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Institutions résilientes : Apprendre de la pandémie de COVID-19 au Canada

Charles Breton, Ji Yoon Han, David McLaughlin et Caroline Woodward 11 mars 2024

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Avant-propos

Ce rapport est un projet de type « fait maison » ou DIY, comme le veut l’expression anglaise consacrée.

En tant que présidente et président de deux organisations engagées dans l’amélioration des politiques publiques et de l’action gouvernementale, nous partageons un grand intérêt pour ce que nos institutions ont traversé pendant la pandémie de COVID-19. Lors d’un déjeuner en plein air (tenu dans le respect de la distanciation sociale) en juin 2022, nous avons tous deux remarqué qu’il n’y avait pas encore eu d’initiative officielle pour examiner publiquement cette question clé à l’échelle pancanadienne.

Le Centre d’excellence sur la fédération canadienne de l’Institut de recherche en politiques ­publiques avait déjà tenté de combler le manque de données en publiant un Index de sévérité, recueillant et diffusant des informations sur les mesures de santé publique mises en place dans chaque province et territoire. Les fonctionnaires et les chercheurs ont régulièrement consulté ces données. Parallèlement, le magazine en ligne de l’IRPP, Options politiques, a été inondé de contributions d’experts désireux de parler de l’incidence de la pandémie et de la manière d’y répondre dans toute une série de domaines politiques. L’Institut a également publié un flux constant de recherches sur le secteur des soins de longue durée, qui a été durement touché.

Quant à lui, David a une vision unique de la manière dont les gouvernements provinciaux ont abordé cette épreuve sans précédent. En tant que greffier du conseil exécutif et sous-
ministre des affaires intergouvernementales au Manitoba de mai 2020 à novembre 2021, il a pu ­observer de près l’éventail des défis, des expériences et des compromis qui ont eu lieu pendant la pandémie. Maintenant qu’il dirige l’Institut sur la gouvernance, David voulait tirer les leçons de gouvernance que lui et tant d’autres fonctionnaires avaient appliquées afin que d’autres puissent apprendre et en bénéficier.

C’est une combinaison de sérendipité, de curiosité et de désir de faire une différence qui nous a motivés à organiser une grande conférence et à publier un rapport basé sur ce que nous y avons entendu.

Puisque personne ne faisait ce travail, nous l’avons fait nous-mêmes.

Nous savions que nous tenions quelque chose lorsque, ayant commencé à solliciter des participants potentiels pour la conférence, prévue pour la mi-juin 2023, une période de l’année généralement très occupée, nous avons été inondés de réponses positives. Une liste impressionnante de hauts fonctionnaires, de dirigeants autochtones et de la société civile, de politiciens et d’autres experts a été réunie. L’universitaire et auteur canadien Alasdair Roberts, professeur de politique publique à l’Université du Massachusetts à Amherst, s’est engagé à prononcer un discours d’ouverture sur le thème « Construire un pays adaptable ».

Ce que nous avons entendu fut à la fois frustrant et inspirant. Le sentiment commun est que l’expérience de la pandémie a été une occasion unique pour le pays d’opérer des changements importants et de tirer parti des leçons apprises.

Alors que de nombreux Canadiens épuisés sont prêts à oublier ce qui s’est passé, nos dirigeants ne pourraient pas le faire même s’ils le souhaitaient. Chaque jour, ils doivent faire face à une série de problèmes exacerbés par la pandémie, notamment les délais d’attente désespérément longs pour les soins de santé, l’inflation et la méfiance persistante du public à l’égard des gouvernements.

Oui, ce rapport est un projet maison, mais c’est aussi une façon de pousser du coude. En s’appuyant sur leurs ressources, leur pouvoir de mobilisation, leur accès aux données et leurs témoignages en coulisses, les gouvernements doivent prendre le relais et maintenir un débat vivant.

Jennifer Ditchburn
Présidente et chef de la direction
Institut de recherche en politiques publiques    

David McLaughlin
Président et chef de la direction
Institut sur la gouvernance

Sommaire

La pandémie de COVID-19 a été un moment dramatique et unique dans l’histoire du Canada. L’impact a pu être ressenti différemment d’une personne à une autre et d’une communauté à une autre, mais l’expérience de la crise a été collective et nous sommes encore en train de vivre avec ses répercussions. Nos principales institutions ont été profondément touchées. Elles ont été contraintes de modifier rapidement leurs procédures, de forger de nouvelles relations ou de renforcer celles qui existaient déjà, et de prendre des décisions cruciales à un rythme impossible à tenir avec des données imparfaites.

Il y a des leçons essentielles à tirer de cette période sans précédent, des connaissances que nos institutions peuvent appliquer aux crises futures.

C’est pourquoi l’Institut sur la gouvernance (IG) et l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) se sont associés pour organiser une conférence nationale de deux jours, Institutions résilientes, en juin 2023 à Ottawa. Nous avons réuni des décideurs clés, des praticiens et des acteurs de la société civile qui ont été étroitement impliqués dans la réponse à la pandémie pour partager leurs expériences et leurs idées sur la façon de rendre les institutions canadiennes plus résilientes pour l’avenir.

Nous avons également poussé nos recherches et jeté un regard sur les rapports et examens réalisés par les différents niveaux de gouvernement. Le présent rapport est donc un résumé et une analyse de ces recherches et des discussions qui ont eu lieu lors de la conférence nationale.

Quatre ans après que les fermetures ont bouleversé nos vies, ce rapport reste la seule étude pancanadienne de ce type à ce jour. Mais il n’est pas suffisant.

Quelle a été la performance des institutions ?

Nous avons choisi d’évaluer quatre institutions essentielles : la santé publique, le fédéralisme, la fonction publique et la démocratie.

Nos tables rondes ont révélé des opinions mitigées quant aux performances des institutions canadiennes, lesquelles ont permis de déterminer trois grandes perspectives :

  • Les institutions canadiennes se sont bien comportées, réagissant avec compétence et agilité à une situation sans précédent.
  • Les institutions canadiennes ont obtenu des résultats satisfaisants, avec des lacunes et des faiblesses qui ont dû être comblées à l’échelle communautaire.
  • Les institutions canadiennes se sont mal comportées, mettant en œuvre des réponses inadéquates et erronées qui ont nui aux Canadiens et réduit la confiance du public.

Le consensus de la conférence était clair : nos institutions n’ont pas complètement réussi, pas plus qu’elles n’ont complètement échoué.

La pandémie a montré que nos institutions peuvent être agiles et souples, mais elle a également mis en évidence de graves faiblesses institutionnelles et de gouvernance qui ont grevé les réponses des gouvernements et les résultats en matière de santé publique. Ces faiblesses doivent être corrigées. S’il n’est peut-être pas surprenant d’entendre un bilan mitigé, il est important que les décideurs prennent en compte le paysage nuancé qui se dégage à propos de la réussite de nos institutions.

Ces trois perspectives globales ne sont pas mutuellement exclusives. Certaines institutions ont été décrites en termes élogieux à un moment donné de la pandémie et en termes moins favorables à d’autres moments.

Nous avons appris comment les fonctions publiques partout au pays ont pu s’adapter pour continuer à fonctionner malgré des directives sans précédent sur le télétravail, tout en se réorientant pour faire face à la pandémie. Des mesures de santé publique ont été mises en œuvre rapidement et de manière relativement efficace dans un premier temps, ce qui a aidé le pays à gérer l’apparition de la COVID-19. Le programme de vaccination du Canada en 2021-2022 a été particulièrement efficace. La coopération et la coordination en matière de santé publique entre les gouvernements ont été particulièrement solides.

En effet, les relations intergouvernementales ont été, à bien des égards, plus positives et productives pendant la crise qu’en temps normal. En même temps, nous avons entendu dire que ces réussites institutionnelles n’étaient ni durables, en raison de l’énorme pression qu’elles ont exercée sur la main-d’œuvre du secteur public, ni reproductibles en l’absence de conditions de crise.

Les résultats positifs ont parfois été obtenus en dehors, voire en dépit de ces mêmes institutions publiques.

Les institution publiques sont entrées dans la pandémie avec des lacunes de capacité préexistantes et des problèmes de longue date, y compris des données gouvernementales et des systèmes et procédures informatiques obsolètes. Les systèmes de soins de santé fonctionnaient déjà dans des conditions difficiles, avec des contraintes importantes en matière de ressources humaines et des plateformes de partage de données qui n’étaient pas conçues pour faire face à une crise.

Des groupes communautaires, locaux, culturels, autochtones et autres nous ont fait part des difficultés qu’ils ont rencontrées pour participer de manière significative à la prise de décision. Ensuite, nous avons entendu parler des succès qu’ils ont obtenus en rejoignant les Canadiens par le biais d’approches adaptées et sensibles à la culture, ce qui suggère fortement que ces approches devraient être normalisées.

On nous a dit que la pandémie a eu un impact sur la confiance dans nos institutions en général et sur la confiance dans les institutions de santé publique et les responsables de la santé publique en particulier. L’incohérence perçue des politiques et la nature parfois uniforme de certaines mesures de santé publique ont contribué à une lassitude généralisée face à la pandémie. Cette situation a été exacerbée par l’évolution des preuves scientifiques et des conseils sur la manière de réagir au virus lui-même, ainsi que par une communication incohérente de la part des responsables publics.

La pandémie a mis en lumière et aggravé certaines relations au sein de la fédération. Le ton positif des premiers ministres a finalement cédé la place à des arguments et des récriminations plus typiques. Nous avons entendu parler des tensions dans les relations entre les provinces et les municipalités, ainsi que des énormes déficits financiers auxquels sont confrontées les municipalités qui sont maintenant en première ligne pour faire face à d’autres crises, comme celles du logement et des opioïdes. Il a également été reconnu que le système de santé ne sert pas tout le monde de manière équitable et que cela contribue aux écarts de santé constatés pendant la pandémie.

Leçons et recommandations

Le rapport tire 4 leçons principales qui reprennent les enseignements les plus significatifs et formule 12 recommandations spécifiques, qui s’adressent principalement aux gouvernements et, par extension, à tous les Canadiens. Elles s’adressent également aux organisations de la société civile et aux acteurs des politiques publiques. Chaque recommandation fait partie de ce que le pays doit faire pour s’assurer que nous tirons des leçons réelles de la pandémie et que nous agissons pour rendre nos institutions plus résilientes.

Leçon 1 : La capacité institutionnelle ne peut être considérée comme acquise

Le succès de la réponse du Canada à la pandémie a reposé en grande partie sur des actes d’héroïsme individuels, tels que des fonctionnaires faisant des heures supplémentaires et créant de nouvelles relations à la volée, mais cela n’est pas viable à long terme. Pour renforcer notre capacité institutionnelle, nous formulons les recommandations suivantes :

  1. Rééquiper et réinvestir dans l’infrastructure numérique et informatique de la fonction publique.
  2. Créer des voies de partage de données plus intégrées et plus efficaces.
  3. Examiner systématiquement les procédures et les structures activées pendant la pandémie.

Leçon 2 : Les institutions du fédéralisme fonctionnent, jusqu’au moment où elles ne fonctionnent plus

L’infrastructure intergouvernementale est largement pilotée par le fédéralisme exécutif, qui exclut des acteurs clés tels que les municipalités et les gouvernements autochtones. Afin de rendre les institutions fédérales plus résilientes, nous formulons les recommandations suivantes :

  1. Recenser les structures et comités intergouvernementaux qui ont fonctionné pendant la pandémie afin de pouvoir les imiter lors de crises similaires.
  2. Rendre les relations intergouvernementales plus inclusives.
  3. Développer et formaliser les relations intergouvernementales avec les gouvernements autochtones, ce qui nécessitera de les considérer comme des gouvernements et non plus seulement comme des parties prenantes.

Leçon 3 : Apprendre à naviguer et à communiquer le risque et l’incertitude est essentiel pour la fonction publique

Bien que la phase d’urgence de la pandémie soit terminée, ces facteurs sont présents dans pratiquement toutes les autres urgences politiques potentielles à venir — y compris les changements climatiques, les catastrophes naturelles, les épidémies futures, etc. Pour mieux naviguer dans cet environnement, nous formulons les recommandations suivantes :

  1. Intégrer une prise de risque positive aux procédures de la fonction publique afin de faire progresser les idées novatrices, d’améliorer la prestation de services et d’obtenir de meilleurs résultats.
  2. Investir dans la nouvelle formation axée sur le leadership et les compétences opérationnelles qui ont été nécessaires et appréciées pendant la pandémie.
  3. Apprendre à communiquer l’incertitude et la complexité des politiques aux Canadiens.

Leçon 4 : les institutions publiques ne peuvent fonctionner sans la confiance du public

La confiance du public a été profondément ébranlée par la pandémie et nous devons la rétablir, faute de quoi la prochaine crise sera infiniment plus difficile à surmonter. Pour rétablir cette confiance, nous recommandons ce qui suit :

  1. Créer un groupe de travail pancanadien pour lutter contre la désinformation et aider les gouvernements à comprendre comment atténuer la désinformation dans les crises futures qui nécessiteront des interventions similaires.
  2. Établir des relations inclusives et significatives avec les dirigeants de la société civile avant que la crise ne frappe.
  3. Le gouvernement fédéral doit initier un examen pancanadien complet et collaboratif des enseignements tirés afin d’examiner systématiquement la manière dont nos institutions publiques se sont comportées durant la situation d’urgence de santé publique la plus exigeante de notre époque.

Conclusion

Nous reconnaissons que nous ne faisons qu’effleurer la surface. C’est pourquoi nombre de nos recommandations appellent à aller plus loin.

Les études et rapports futurs sur la réponse du Canada à la pandémie devraient aller au-delà de la dimension de santé publique. Une approche strictement sanitaire ne permettrait pas de tirer les leçons qui s’imposent. Il en va de même si l’on se concentre uniquement sur les dépenses publiques pendant la pandémie.

Ultimement, la réponse du Canada à la pandémie a reposé sur la gouvernance. Cela signifie qu’il y a des enseignements clés à tirer sur la manière dont les gouvernements prennent des décisions et sur les personnes qu’ils impliquent, sur le fonctionnement de notre fédération lorsque les gouvernements doivent travailler ensemble, et sur la manière dont l’information circule au sein des gouvernements et entre eux, et des gouvernements vers les Canadiens.

Nous espérons que ce rapport servira d’appel à l’action pour les gouvernements et la société civile afin qu’ils en fassent plus dès maintenant, avant que la tendance naturelle à « laisser tout ça derrière nous » ne s’installe. Il est essentiel que nos institutions publiques les plus importantes renforcent leur résilience afin d’être prêtes à relever les prochains défis.

Introduction

Ces folles semaines de mars 2020 seront à jamais gravées dans nos mémoires. Les Canadiens étaient rivés à leurs télés, leurs radios et leurs téléphones pour s’informer de la progression ­dévastatrice d’un « coronavirus » (comme on l’appelait alors) qui perturbait les systèmes de santé du monde entier, et qui venait d’arriver chez nous. Nos chefs de gouvernement ont bientôt annoncé la mise en place de vastes confinements dans le cadre leur plan d’intervention officiel face à la COVID-19. Une période d’angoisse et d’incertitude s’ouvrait pour tous les Canadiens.

Mais le Canada n’a pas été totalement pris au dépourvu. Au lendemain de l’épidémie de SRAS de 2003, le rapport Leçons de la crise du SRAS du Comité consultatif national sur le SRAS avait suscité l’adoption de plusieurs mécanismes et mesures de santé publique (Agence de la santé publique du Canada, 2003). Parmi ceux-ci figurait la création de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) et du Conseil du Réseau de santé publique (RSP) fédéral-provincial-­territorial (FPT) à titre de forum intergouvernemental de collaboration, de coordination et de gouvernance. En 2016, les ministres de la Santé du pays signaient une entente de partage d’informations sur les maladies infectieuses. Puis, le Réseau des laboratoires de santé publique du Canada (RLSPC), composé de laboratoires fédéraux et provinciaux, est devenu un mécanisme reconnu pour collaborer efficacement au renforcement des capacités des laboratoires et à l’inter­vention face aux nouvelles menaces.

C’est ainsi qu’en 2018, à l’occasion des 15 ans de la crise du SRAS, l’administratrice en chef de la santé publique du Canada Theresa Tam notait que « le Canada a accompli des gains importants à l’égard de sa capacité à répondre efficacement aux défis de santé publique que représentent les graves épidémies de maladies infectieuses […] Des enseignements clés ont été tirés et des jalons ont été atteints : ceux-ci ont façonné et amélioré notre approche et nos structures en matière d’intervention » (Tam, 2018).

Malgré tout, les décideurs et les systèmes de santé du pays ont été débordés par la vitesse de propagation de la COVID-19. Les informations sur le virus et les moyens de le combattre ont été confuses et inégalement appliquées. Son ampleur et sa virulence ont été sous-estimées, parfois même ignorées. Rien, semblait-il, n’avait réellement préparé les Canadiens au long et difficile parcours qui les attendait. Le bilan est d’ailleurs très lourd, même s’il reste meilleur que dans bon nombre de pays : environ 4,6 millions de Canadiens ont contracté la COVID-19 et plus de 51 000 y avaient succombé en mars 2023. Le taux de mortalité du Canada s’élevait à 135 par 100 000 habitants à cette même date. Il était toutefois plus élevé dans quelque 72 autres pays (Johns Hopkins University, s. d.).

Pour autant, aucune commission ou étude véritablement pancanadienne n’a été officiellement lancée après la pandémie en vue d’en tirer les leçons. C’est pourquoi l’Institut sur la gouvernance (IG) et l’Institut de recherche en politiques publiques (IRPP) ont conjointement organisé une conférence nationale en juin 2023 à Ottawa. Nous avions pour but de rassembler des décideurs, intervenants et acteurs de la société civile ayant activement participé à la lutte contre la COVID-19 afin d’échanger leurs expériences et leurs idées sur les moyens d’accroître la ­résilience des institutions canadiennes. L’IG et l’IRRP en ont tiré le présent rapport sur les forces — et les faiblesses — de notre réponse à la pandémie afin d’aider les gouvernements à planifier et fournir leurs services lors des crises futures.

Nous avons évalué quatre institutions fondamentales :

  • La santé publique
  • Le fédéralisme
  • La fonction publique
  • La démocratie

Ce rapport met l’accent sur certains aspects clés de la réponse de chacune de ces institutions à la pandémie. Pour la santé publique, il s’agissait du processus décisionnel, de la disponibilité des données et informations sur la santé et de l’usage qui en a été fait. Pour le fédéralisme, nous avons examiné les premiers succès et les défaillances ultérieures de la collaboration inter­gouvernementale, de même que leur incidence sur le fédéralisme. Pour la fonction publique, nous avons évalué le processus décisionnel interne, l’innovation en matière de politiques ainsi que les capacités et compétences des fonctionnaires eux-mêmes. Quant à la démocratie, nous avons étudié le rôle des politiciens, celui des citoyens ainsi que l’incidence de la pandémie sur la confiance de la population.

Bien que nous ayons bénéficié de la généreuse collaboration de plusieurs responsables anciens et actuels ayant participé à la lutte contre la pandémie partout au pays, nous avons conscience que ce rapport ne fait qu’effleurer les questions qui permettraient d’évaluer l’ampleur et la complexité de la réponse des institutions à la COVID-19. La conférence et toute recherche subséquente ne sauraient donc se substituer à un véritable examen, mené à l’échelle nationale par les gouvernements du pays, des leçons à tirer de la pandémie.

La pandémie a mis en cause des conceptions bien établies sur le rôle des gouvernements, les capacités de la fonction publique et les besoins de la population qui reçoit leurs services. Jamais la société canadienne ne s’était autant divisée autour d’attentes divergentes sur le rôle de l’État et de la science, tout en se heurtant aux problèmes de la perte de confiance et de la désinformation. Collectivement, notre réticence ou notre incapacité à documenter les faits et les causes de ce qui s’est produit — y compris nos réussites et nos erreurs — constitueraient le plus grand de nos échecs face à la pandémie.

PARTIE I

Le contexte

La conférence n’était pas le premier exercice visant à examiner la réponse des gouvernements canadiens à la pandémie. Plusieurs gouvernements ont mené des évaluations et d’autres s’y emploient toujours. Mais l’ampleur de ces exercices est très variable, et la portée de certains plutôt limitée. Ils tendent notamment à négliger la dimension interministérielle et plus encore la dynamique intergouvernementale observées durant la pandémie, puisqu’ils ont été principalement menés par des ministères s’intéressant individuellement à un seul aspect de la réponse et que la plupart ont été confiés à des vérificateurs généraux. De plus, comme ces évaluations se font généralement à l’interne, la participation de spécialistes externes et des communautés touchées est plutôt restreinte, sinon inexistante.

C’est à cette lacune que la conférence Institutions résilientes a voulu remédier, et c’est en cela qu’elle était unique. C’était en effet le premier exercice réunissant des fonctionnaires et des élus des différents ordres de gouvernement, de même que des chercheurs, des professionnels de la santé et des représentants d’organismes communautaires.

La partie I de ce document offre un bref aperçu des rapports produits par les gouvernements sur leur réponse à la pandémie et décrit le contexte dans lequel opéraient les quatre institutions qui faisaient l’objet de la conférence : la santé publique, le fédéralisme, la fonction publique et la démocratie.

Rapports des gouvernements sur leur réponse à la pandémie

Certains gouvernements ont rapidement entrepris l’examen de leur réponse à la COVID-19, y compris au plus fort de la pandémie. Le premier rapport a été publié en septembre 2020, soit avant la deuxième vague, par Santé Canada et l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Dans les mois suivants, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont mené une série d’examens sur différents aspects de leur réponse. Soulignons qu’Ottawa a récemment annoncé l’embauche de l’ancien conseiller scientifique en chef du Royaume-Uni pour diriger un comité de spécialistes chargé « d’effectuer une revue fédérale sur l’approche de la coordination de la recherche et des avis scientifiques », dont l’objectif est « d’appuyer le Canada lors de pandémies futures et autres urgences sanitaires » (Gouvernement du Canada, 2023e).

La figure 1 présente les rapports que les gouvernements ont publiés sur différents aspects de leur réponse à la pandémie (voir la liste complète des rapports à l’annexe A). Ces rapports sont répartis en trois catégories selon leurs auteurs : vérificateurs généraux, ministères et experts externes.

Comme l’illustre la figure ci-dessus, le nombre de rapports publics produits par les gouvernements fédéral et provinciaux est très variable. Notablement, 38 des 61 rapports recensés ont été produits par des vérificateurs généraux. Comme le prévoit leur mandat, ceux-ci devaient établir si les fonds avaient été répartis adéquatement, évaluer l’efficacité de cette répartition et recommander toutes modifications aux procédures de soutien financier en cas d’urgences futures. Il s’agissait d’un examen plus restreint, mais crucial, des leçons apprises.

Néanmoins, les vérificateurs fédéraux et provinciaux n’ont pas limité leur analyse aux dépenses de programmes. Ils ont aussi examiné les audits de gestion des programmes liés à la pandémie. Les audits des programmes ciblés diffèrent des rapports ministériels en ce qu’ils évaluent aussi leur efficacité ou leurs retombées économiques ou gouvernementales (Bureau du vérificateur général du Canada, s. d.), mais non le bien-fondé des programmes eux-mêmes. Les audits de gestion déterminent en outre si le gouvernement avait les moyens d’assurer le suivi de leurs résultats, puis formulent des recommandations fondées sur l’examen de ces paramètres.

Par exemple, plusieurs vérificateurs généraux ont évalué la distribution des vaccins par les provinces. Un examen de la Colombie-Britannique a déterminé si le gouvernement avait obtenu l’information nécessaire pour suivre l’évolution du taux de vaccination de la province, des résidents d’établissements de soins de longue durée et des travailleurs de la santé. L’examen du vérificateur général fédéral sur la vaccination a évalué si les efforts d’approvisionnement de Santé Canada et de l’ASPC étaient suffisants, si l’accès aux vaccins était efficace à l’échelle du pays et si les deux organismes avaient adéquatement supervisé leur distribution.

Le deuxième type de rapports consiste en une évaluation d’éléments précis de la pandémie, réalisée par des ministères ou des organismes gouvernementaux. Par exemple, la Commissaire à la santé et au bien-être du Québec a publié six rapports sur ce qui s’est produit dans les établissements de soins de longue durée. Pendant chacune des trois premières vagues de la pandémie, le Québec a enregistré dans ces établissements le plus grand nombre de décès par 100 000 habitants au pays (Institut canadien d’information sur la santé, 2021), ce qui explique sans doute cette focalisation. Plusieurs autres provinces ont connu d’importantes éclosions dans leurs systèmes de soins de longue durée, mais n’ont pas évalué leur réponse aussi scrupuleusement. Un rapport du Protecteur du citoyen du Québec recense quatre grandes lacunes dans la réponse de la province aux éclosions dans ses établissements de longue durée :

  • L’insuffisance des stratégies de contrôle des infections
  • La pénurie d’équipements de protection individuelle (EPI)
  • La pénurie de personnel soignant et problèmes connexes
  • Le faible soutien en santé mentale, isolement social et manque d’accès continu des résidents aux aidants naturels.

Les rapports de la Commissaire à la santé et au bien-être du Québec et du vérificateur général de l’Ontario comprennent aussi un examen de plus haut niveau et soulignent les lacunes de la gouvernance des soins de longue durée, notamment les facteurs systémiques ayant créé des conditions déplorables dans les établissements et l’absence de systèmes rapides et fiables de collecte de données ayant entravé l’accès aux informations dont les responsables avaient besoin pour décider des mesures à prendre. Outre un examen de la documentation, ces deux rapports se sont appuyés sur des entrevues ou des sondages menés auprès de professionnels de la santé pour souligner certains des problèmes recensés.

Sept rapports ministériels comprennent un registre de toutes les mesures sanitaires prises durant la pandémie. Ceux du Nunavut n’en offrent aucune analyse, mais ceux des Territoires du Nord-Ouest, de l’Ontario et d’Ottawa tirent profit de ce registre pour proposer des améliorations sur le plan de la préparation aux urgences. Mais visiblement, aucun n’offre d’enseignements sur le rôle que devrait jouer la coordination intergouvernementale. Les Territoires du Nord-Ouest ont recueilli les commentaires des décideurs directement impliqués dans la réponse à la pandémie, de la population et des gouvernements autochtones. L’Alberta, le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, la Saskatchewan et le Yukon n’ont produit aucun rapport ministériel ou, s’ils en ont produit, ne les ont pas rendus publics.

Enfin, le troisième type de rapports — produits par des groupes d’experts externes — est le plus restreint. Nous en avons recensé quatre, chacun de format très différent : trois en Alberta et un en Colombie-Britannique.

L’Alberta a confié au cabinet de services professionnels KPMG l’examen de la réponse globale de la province à la première vague de la pandémie, lequel couvre les mesures prises entrer le 1er mars et le 20 octobre 2020. Paru en janvier 2021, le rapport de KPMG comprend une revue générale et un examen de la réponse en matière de soins de courte durée, de soins continus, de stratégies de mobilisation et de communication, de stratégies d’approvisionnement et d’EPI, de gouvernance et de processus décisionnels.

En 2023, l’Alberta a aussi commandé un rapport à un groupe dirigé par Preston Manning, l’ancien leader du Parti réformiste du Canada. Ce rapport diffère de celui de KPMG de par l’examen des « lois et pratiques de gouvernance » (Manning et autres, 2023, p. 5). Il comprend une composante « opinion publique » — élément absent du rapport de KPMG — qui invite la population à répondre à cette question : « S’il y a lieu, quelles modifications faudrait-il apporter aux lois qui régissent la réponse de l’Alberta à la COVID-19 pour mieux équiper la province face à de futures urgences sanitaires ? » (Manning et autres, 2023, p. 8).

L’Alberta a aussi chargé un groupe consultatif d’experts d’examiner le bien-être des jeunes et des enfants durant la pandémie. Le rapport du groupe a paru en décembre 2021.

La Colombie-Britannique a commandé un rapport sur les leçons apprises à trois anciens fonctionnaires chargés d’effectuer « un examen opérationnel de la réponse à la pandémie de la C.-B. afin d’aider le gouvernement à se préparer à de futurs événements » (de Faye et autres, 2022, p. iii). Mais son approche et ses points d’intérêt diffèrent sensiblement de ceux des rapports de KPMG et de Preston Manning en termes de composition, de mandat et de consultation du public, des Premières Nations et des différents intervenants. Le rapport de la Colombie-Britannique comprend aussi des recommandations sur la confiance du public envers le gouvernement, l’état de préparation et les stratégies de mise en œuvre, de même qu’une section entièrement consacrée aux retombées sur les Autochtones. Les deux rapports examinent le processus décisionnel et les stratégies de communication.

En résumé, les gouvernements ont examiné certains aspects de leur réponse à la pandémie en s’efforçant d’en tirer les leçons et d’améliorer leurs procédures. Toutefois, ces efforts ont été sporadiques et très ciblés. Chose certaine, on n’a entrepris aucun examen comparatif ou pancanadien. Et même si ces différents rapports demeurent riches en enseignements, ils omettent d’examiner d’importants aspects de leur réponse, notamment l’interaction entre les gouvernements. De plus, seul un petit nombre a une portée élargie et englobe les différents aspects des mesures gouvernementales, mais sans jamais se rapprocher d’un examen national complet — un exercice que certains ont pourtant réclamé (Bubela et autres, 2023).

Soulignons toutefois que notre bref aperçu des évaluations de la réponse des gouvernements repose sur des contenus publiquement accessibles et pourrait donc sous-estimer l’ampleur et la portée des analyses rétrospectives, surtout à l’heure où se déploie l’héritage de la COVID. Pour autant, rien n’a été fait à l’échelle nationale qui serait d’un intérêt commun à tous les Canadiens. Nous réexaminons cette question dans la section des leçons et recommandations de ce document.

L’absence d’évaluations postpandémie globales menées par les gouvernements a renforcé l’importance de la conférence Institutions résilientes. Il était ainsi particulièrement nécessaire d’y rassembler des décideurs, intervenants et observateurs de tout le pays, dont l’ensemble des expériences révélerait des perspectives uniques ou communes de plus grande valeur que tout examen provincial ou organisationnel en particulier. Il était également nécessaire de l’organiser tandis que les événements et les mesures prises étaient encore frais dans les mémoires.

Les quatre institutions

La conférence a créé une occasion unique de nourrir le dialogue entre différents acteurs des quatre grandes institutions touchées et sollicitées durant la pandémie : la santé publique, le fédéralisme, la fonction publique et la démocratie. En plus d’avoir joué un rôle central dans la réponse canadienne à la COVID-19, ces institutions sont celles qu’il est indispensable de renforcer dans l’après-pandémie. Nous résumons ci-dessous le contexte dans lequel les participants ont évolué durant la pandémie, chacun étant issu de l’une des quatre institutions, pour établir le cadre des discussions de la rencontre.

Santé publique

Dans un article d’Options politiques, Helen Angus, ancienne sous-ministre ontarienne de la Santé, observe que « les institutions ont largement fonctionné comme elles sont censées le faire », bien que « cela ne signifie pas que toutes les décisions aient été bonnes » (Angus, 2023). Le Canada s’en ainsi est mieux tiré que la plupart des pays du G10 (à l’exception du Japon et des Pays-Bas) au chapitre des décès liés à la COVID (Razak, 2022), comme l’illustre la figure 2.

Mais à mesure que la COVID-19 s’est propagée à l’échelle du pays, nos décideurs ont affronté des défis structurels de longue date en matière de soins de santé et de santé publique, à commencer par un paysage composé d’une multitude d’acteurs qui étaient partout confrontés à ressources humaines et financières insuffisantes ainsi qu’à des obstacles au partage d’informations.

Acteurs clés de la réponse à la pandémie au Canada

À l’échelle fédérale, les décisions relatives à la pandémie ont principalement relevé d’un sous-comité du Cabinet, qui assurait une coordination et une direction pangouvernementales. Mis sur pied le 4 mars 2020, ce sous-comité a travaillé conjointement avec le Groupe d’intervention en cas d’incident. Celui-ci est un groupe de travail ad hoc formé des ministres et hauts fonctionnaires concernés, qui s’est réuni une première fois le 27 janvier 2020 pour discuter de la COVID-19 (Premier ministre du Canada, 2020). De son côté, l’ASPC a diffusé des informations sur la santé et des directives sur la réponse à la pandémie à l’échelle fédérale. Elle a aussi publié des avis sur la pandémie et informé les ministres par l’entremise du comité consultatif spécial fédéral-provincial-territorial (FPT) sur la COVID-19.

En janvier 2020, le Canada a instauré le Plan d’intervention fédéral-provincial-territorial en matière de santé publique dans les cas d’incident biologiques, qui a mis en marche plusieurs comités et secrétariats connexes pour faciliter la réponse sanitaire (Réseau pancanadien de santé publique, 2023), résumée dans le tableau 1 ci-dessous :

Les comités présentés dans le tableau ci-dessous apportaient leur soutien au comité consultatif spécial qui a élaboré le Plan d’intervention fédéral-provincial-territorial en matière de santé publique afin d’assurer la gestion continue de la COVID-19 (Gouvernement du Canada, 2022). Ce plan ne visait pas à dresser une liste d’obligations, mais plutôt à établir les facteurs pan­canadiens à considérer durant la transition des gouvernements vers l’après-pandémie. Par exemple, il comprenait des objectifs de santé publique, des hypothèses de planification prospective et un aperçu des conséquences éventuelles de la réponse à la pandémie (Gouvernement du Canada, 2022).

À l’échelle provinciale, les directeurs de la santé publique[1] (DSP) ont été des acteurs clés de la réponse à la pandémie. Pour de nombreux Canadiens, les DSP ont été parmi les fonctionnaires les plus visibles tout au long de la pandémie, apparaissant soit indépendamment, soit aux ­côtés des premiers ministres et des ministres.

Le rôle des DSP dépend fortement du cadre institutionnel et législatif et varie d’une province à l’autre. Les DSP peuvent être placés sur un continuum en fonction de deux dimensions : leur rôle de conseillers et leur rôle de communicateurs (Cassola et autres, 2022). Au Canada, Cassola et autres (2022) déterminent trois modèles généraux : l’expert technique, l’expert pour tous et l’exécutif loyal. Ces trois modèles illustrent l’éventail des responsabilités des MHC en matière d’information du public et de conseil aux gouvernements.

Comme l’a montré la pandémie, le rôle du DSP peut évoluer en raison de modifications apportées à la legislation ou aux relations avec le gouvernement, ou en réponse à celles-ci. Par exemple, tous les DSP ont intensifié leur communication avec le public pendant la pandémie. D’une manière générale, ces communications s’articulaient autour de trois thèmes : décrire la préparation et le renforcement des capacités, émettre des recommandations et des mandats, et rassurer et promouvoir la responsabilité publique (Fafard et autres, 2020). Outre les communications au sein de leur juridiction, les DSP ont également publié des déclarations conjointes par l’intermédiaire du Conseil des médecins hygiénistes en chef et ont échangé des informations sur la situation entourant la pandémie dans leurs juridictions respectives.

Contraintes de ressources

L’insuffisance des ressources humaines dans le secteur de la santé constitue un important problème structurel du système canadien de santé publique. En général, le Canada affiche dans cinq paramètres des résultats moyens ou inférieurs à la moyenne des pays semblables de l’Orga­nisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il compte ­ainsi 2,8 médecins par 1 000 habitants, soit moins que la moyenne de 3,7 par 1 000 habitants de l’OCDE, et 2,6 lits d’hôpital par 1 000 habitants, alors que la moyenne de l’OCDE est de 4,3 lits par 1 000 habitants. Pour ce qui est du nombre d’infirmières (10,3 par 1 000 habitants), le Canada se situe légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE, qui est de 9,2 par 1 000 habitants (OCDE, 2023). L’OCDE estime que ces indicateurs de capacité sont en voie d’amélioration, sauf pour le nombre de lits d’hôpital, qui a plutôt diminué au fil du temps.

Le capital humain n’est pas l’unique contrainte de ressources qui influent sur nos capacités en santé publique. Les dernières données disponibles de l’OCDE montrent que, même si le ­Canada consacre en dépenses de santé 6 319 $US par habitant, soit plus que la moyenne de 4 986 $US de l’OCDE (OCDE, 2023), on y observe toujours de longs délais d’attente en chi­rurgie (Institut canadien d’information sur la santé, s. d.), un faible accès aux médecins de famille (Institut canadien d’information sur la santé, 2023) et des débordements dans les salles d’urgence (Varner, 2023). Les dépenses de santé constituent la plus importante part des dépenses des provinces et territoires (Statistique Canada, 2022a). Selon les projections démographiques, les coûts liés aux soins de santé augmenteront au fur et à mesure du vieillissement de la population canadienne et devront prendre en compte un soutien accru aux hôpitaux et établissements de soins de longue durée, aux soins de fin de vie, et aux collectivités.

Cueillette et partage des données

Les données administratives en santé sont difficiles d’accès au Canada puisque les pratiques de gouvernance en matière de données diffèrent d’une province à l’autre. Une grande partie des données disponibles provient d’informations recueillies par les autorités régionales de la santé, des sondages et des ministères des provinces et territoires. À l’échelle fédérale, Statistique Canada et l’ASPC ont la responsabilité de collecter et d’utiliser ces données pour créer des bases de données pancanadiennes à l’intention des décideurs et des chercheurs, tandis que l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) est le seul organisme indépendant qui se consacre à cette tâche.

Quand ces organisations n’agrègent pas les données pancanadiennes, les décideurs qui veulent comparer provinces et territoires doivent se tourner vers des sources régionales ou provinciales / territoriales. Les données de chaque province / territoire sont régies par une institution différente. Par exemple, l’étude de cas de Katz et autres (2018) illustre les obstacles que doivent surmonter les chercheurs pour accéder à des données administratives en matière de santé. Les efforts qu’ils consacrent à désembrouiller les systèmes de gouvernance à l’égard de données révèlent l’ampleur du fardeau administratif qui entrave l’accès aux données des multiples régions du pays. Problème clé à cet égard : l’institution qui abrite les données administratives en matière de santé varie selon les provinces. Au Manitoba, par exemple, les données de santé provinciales sont hébergées au Centre manitobain des politiques en matière de santé de l’Université du Manitoba, qui agit à titre d’intendant des informations (Université du Manitoba, s. d.). À l’inverse, en Alberta, ces données sont recueillies et gérées par l’une des directions de Alberta Health Services Alberta. Cette barrière rend toute comparaison interprovinciale très coûteuse en temps et en ressources.

Soins de santé et données autochtones

Les soins de santé des Autochtones sont financés, régis et assurés par les gouvernements fédéral et provinciaux, et dans certains cas par les autorités de santé des communautés autochtones. Au sein du gouvernement fédéral, Services aux Autochtones Canada finance directement certains services de santé fournis aux Premières Nations et aux communautés inuites (Services aux Autochtones Canada, s. d.). Santé Canada et l’ASPC contribuent à des programmes en appui aux peuples autochtones vivant en milieu urbain ou dans les collectivités du Nord (Services aux Autochtones Canada, s. d.). Et les provinces apportent un soutien indirect à la santé des Autochtones en vertu de leur responsabilité constitutionnelle d’assurer des services de santé à tous leurs habitants.

Ces dernières années, un tournant s’est amorcé vers la reconnaissance du droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations, des Inuits et des Métis, y compris en matière de soins de santé. Ce droit s’est concrétisé de diverses façons dans l’ensemble des commu­nautés autochtones. Tout particulièrement, les Premières Nations, le gouvernement fédéral et celui de la Colombie-Britannique ont signé en 2011 un accord-cadre tripartite qui a permis la création de la Régie de la santé des Premières Nations (RSPN) en 2013 (Services aux Autochtones Canada, s. d.), la première et l’unique RSPN en son genre. La RSPN a alors assumé la responsabilité de programmes administrés jusque-là par Santé Canada (y compris la prestation directe des soins primaires) et fait valoir des « pratiques culturellement sûres » dans l’ensemble du système de santé (RSPN, s. d.). Aucune autre province n’a adopté ce modèle, mais des accords tripartites visant à renforcer la gouvernance autochtone des soins de santé ont été signés au Manitoba, à Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, en Ontario et au Québec (Services aux Autochtones Canada, s. d.).

Durant la pandémie, on a prêté plus d’attention à l’incidence de cette urgence sanitaire sur les communautés autochtones. Mais comme la disponibilité des données est restée limitée, il manque toujours un tableau complet de son incidence sur ces communautés par rapport au reste de la population. On ne dispose que d’études individuelles et d’informations directement recueillies auprès de responsables autochtones des soins de santé, qui brossent un portrait fragmenté de la réalité de terrain. Selon une étude, les taux d’infection étaient plus élevés chez les non-Autochtones aux premiers stades de la pandémie, mais cette dynamique s’est inversée à partir du 30 novembre 2020, quand la COVID-19 a commencé à se propager dans ces communautés (Mallard et autres, 2021). Une autre étude a montré que les taux de mortalité avaient suivi le même schéma (Tripp, 2020). Néanmoins, le manque de données de santé spécifiques portant sur les populations autochtones, avant et pendant la pandémie, a constitué un obstacle majeur à une intervention en santé publique efficace.

La disponibilité des données sur les taux de vaccination des Premières Nations est légèrement meilleure que les informations dont nous disposons sur les taux d’infection et de mortalité liées à la pandémie chez les Autochtones. Au 5 septembre 2023, a indiqué Ottawa, 93 % des personnes des Premières Nations vivant dans les réserves avait reçu leur deuxième dose de vaccin et 40 % leur troisième dose (Gouvernement du Canada, 2023a). Mais il n’existe aucune donnée claire sur le taux de vaccination global des Autochtones vivant hors réserve. Une étude a montré que le taux de vaccination des personnes des Premières Nations, inuites et métisses vivant à Toronto et à London (Ontario) était inférieur à celui de l’ensemble de ces villes. Le taux de vaccination (deuxième dose) chez les personnes des Premières Nations, inuites et métisses était de 58,2 % à Toronto et de 61,5 % à London (Smylie et autres, 2022). Aux fins de comparaison, le taux global était de 80,5 % chez les personnes qui avaient reçu leur première série[2] de ­vaccins (Gouvernement du Canada, 2023b).

le Fédéralisme

La pandémie a donné au fédéralisme une forme concrète pour de nombreux Canadiens. Pour la première fois, la capacité de voir leurs proches, de quitter leur domicile et même de faire leurs emplettes dépendait de leur province ou territoire de résidence. Il y avait des similitudes entre ces régions, mais aussi de nombreuses disparités.

L’Index de sévérité des mesures visant à contrer la COVID-19 du Centre d’excellence sur la fédération canadienne (figure 3) a retracé ces disparités en examinant diverses mesures de santé publique comme les fermetures d’écoles et d’entreprises, les passeports vaccinaux et les consignes de port du masque (Breton et autres, 2021). En général, il a établi que la plupart des provinces ont connu trois pointes de sévérité correspondant aux trois vagues de COVID-19 qui les ont respectivement frappées. Toutefois, la série des mesures adoptées pour contrôler la pandémie a varié d’un endroit à l’autre, selon les priorités gouvernementales. Par exemple, le nombre de fermetures d’école a connu d’importantes variations. Certains décideurs ont soutenu qu’il fallait uniquement fermer les écoles en dernier ressort, ce qui ne s’est pas nécessairement reflété dans les mesures que les provinces et territoires ont mises en œuvre. Un article d’Options politiques qui comparait les fermetures d’écoles et de restaurants a montré que dans certaines provinces comme le Québec et l’Ontario, les jours de fermeture étaient plus nombreux dans les restaurants que dans les écoles, que c’était l’inverse dans des provinces comme le Manitoba et la Nouvelle-Écosse, et que les autres provinces se situaient quelque part entre les deux (Breton et Han, 2022). Une variabilité indiquant que les Canadiens de l’ensemble du pays ont vécu différemment les restrictions.

Toutefois, les mesures sanitaires n’ont formé qu’une partie de la réponse intergouvernementale à la COVID-19. Le gouvernement fédéral et ses organismes avaient trois principales responsabilités : définir une orientation et des directives aux fins de coordination nationale; contrôler les frontières internationales; et assurer l’approbation réglementaire et l’approvisionnement des fournitures médicales et des vaccins (Agence de la santé publique du Canada, 2017). Ottawa a aussi créé un Guichet unique FPT de communications sur la COVID-19 pour faciliter le dialogue entre des acteurs qui n’échangent pas normalement d’informations, tout en définissant des pratiques de communication exemplaires pour diffuser largement l’information sur l’évolution de la pandémie. Enfin, Ottawa a embauché des acteurs externes pour obtenir leur avis sur ses efforts de communication.

Le gouvernement fédéral était responsable de l’approbation, de l’approvisionnement et de la distribution des vaccins et autres fournitures dans les provinces et territoires. Une tâche particulièrement cruciale étant donné l’intensité de la concurrence internationale. Au 14 juillet 2023, Ottawa avait acheté et distribué 121 598 900 doses de vaccin à l’échelle du pays (Gouvernement du Canada, 2023c). Tant et si bien que le Canada allait afficher l’un des taux de vaccination les plus élevés du monde (Our World in Data, 2024).

Ottawa a également assuré aux provinces et territoires un soutien financier de 19 milliards de dollars pour atténuer la pression sur leurs systèmes de santé, améliorer la recherche des contacts, renforcer la gestion des éclosions et créer des services sociaux destinés aux Canadiens par l’intermédiaire de l’Accord sur la relance sécuritaire, conçu pour aider les provinces à rétablir leur économie (Gouvernement du Canada, 2020). C’est au gouvernement fédéral qu’incombait la ­principale responsabilité de relancer l’économie nationale. C’est lui qui détenait le pouvoir de dépenser nécessaire pour préserver les moyens d’existence des Canadiens, rapidement et résolument.

Quant aux responsabilités des gouvernements provinciaux et territoriaux, elles étaient surtout axées sur la prestation des services de santé. L’administration de certains systèmes de santé a aussi été déléguée à des unités de santé locales ou régionales. Pour la plupart des Canadiens, ce sont les provinces qui influaient le plus directement sur leur façon de traverser la crise. Ce qui n’a rien d’étonnant, puisqu’il s’agissait d’une urgence de santé publique et que les provinces avaient pour responsabilités d’élaborer et de mettre en œuvre les restrictions sanitaires, d’assurer leur application dans les écoles et les entreprises, d’établir les limites de rassemblement, de gérer l’administration des vaccins, d’imposer les restrictions de voyage et d’assurer le port du masque (Agence de la santé publique du Canada, 2017). Pour leurs résidants, elles ont aussi été la principale source d’information sur la COVID-19 au moyen de mises à jour quotidiennes effectuées par les premiers ministres, les ministres de la Santé et les responsables de la santé publique.

Les mécanismes de coordination

La pandémie a nécessité une coordination intergouvernementale sans précédent pour contrer la propagation rapide du virus à l’échelle nationale et internationale. Cette coordination, de même que l’échange d’informations entre les différentes autorités, s’est surtout effectuée par l’entremise de forums informels ad hoc (c.-à-d. non fondés constitutionnellement).

Le Plan d’intervention fédéral-provincial-territorial en matière de santé publique dans les cas d’incidents biologiques a établi la distinction entre les gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Il indiquait aussi aux spécialistes de la santé la trajectoire à suivre pour conseiller les sous-ministres de la Santé FPT dans le cadre du Comité consultatif spécial (les membres du Comité consultatif spécial sont présentés dans la figure 4 ci-dessus).

Les relations fédérales-provinciales-territoriales ont été principalement coordonnées lors de rencontres entre les premiers ministres des 13 provinces et territoires et le premier ministre Justin Trudeau. Ces rencontres, toujours convoquées de façon ponctuelle, ont eu lieu toutes les semaines pendant une grande partie de la pandémie. Leur nombre exact n’a pas été rendu public, mais les données disponibles confirment l’intensification de la coordination intergouvernementale durant cette période. Au 14 décembre 2021, on dénombrait ainsi 35 réunions des premiers ministres (Premier ministre du Canada, 2021). Autre volet de la coopération intergouvernementale, une série de réunions s’est tenue entre les ministres et sous-ministres de la Santé FPT. Au mois de novembre 2022, il y avait eu 57 rencontres entre les ministres de la Santé FPT (Gouvernement du Canada, 2022).

La campagne de vaccination contre la COVID-19 a constitué la plus grande opération de vaccination de masse de l’histoire du pays et illustré le haut niveau de coordination et de communication qu’il a été nécessaire d’établir entre les gouvernements FPT. Ottawa avait la responsabilité de l’approvisionnement en vaccins et de l’approbation réglementaire de ces nouveaux médicaments. Il devait répartir les vaccins entre les 10 provinces, les trois territoires et les peuples autochtones. Les gouvernements provinciaux devaient ensuite désigner les zones prioritaires et justifier leurs décisions, élaborer des plans de distribution, recueillir les données sur les stratégies d’immunisation, sensibiliser leurs collectivités, transmettre à la population toute nouvelle information sur la vaccination et définir des stratégies pour combattre ­l’hésitation vaccinale.

Autres ordres de gouvernement

D’autres ordres de gouvernement ont joué un rôle central dans la réponse à la pandémie, même sans être partie prenante des relations intergouvernementales décrites ci-dessus. Ainsi, les administrations municipales étaient souvent responsables des premières interventions néces­saires à l’application des politiques liées à la COVID-19. Si les directives et orientations émanaient des ordres fédéral et provincial, les services locaux de santé assuraient sur le terrain le contact direct avec la population. La capacité des administrations municipales d’appliquer ces orientations était toutefois entravée par d’importantes pressions financières causées par la perte de recettes qu’occasionnaient les changements de comportement de la population. Par exemple, de nombreux réseaux de transport en commun ont réduit leurs services en raison de la transition vers le télétravail, un phénomène qui s’est en partie maintenu longtemps après la pandémie. De même, les dirigeants autochtones étaient responsables de certains aspects de l’application des mesures, avec un soutien variable des gouvernements fédéral et provinciaux. Les experts de notre conférence Institutions résilientes ont soutenu que l’insuffisance de cet appui s’expliquait notamment par la confusion qui régnait au sein des gouvernements FPT au sujet de la détermination des responsables du soutien aux communautés autochtones.

La fonction publique

La fonction publique a été mise au défi comme jamais durant la pandémie. Presque du jour au lendemain, tous les gouvernements du pays se sont trouvés devant de nouvelles priorités et devant l’urgence d’adapter leurs méthodes de travail. Les demandes des citoyens se sont multipliées face à une crise qui exigeait le développement et le déploiement rapides d’un éventail de mesures de secours d’urgence et de services publics. La dernière de ces mesures — le Compte d’urgence pour les entreprises canadiennes — n’a expiré que cette année. De fréquentes communications publiques et séances d’information tenues par des fonctionnaires à l’intention de la population et des élus sont devenues la norme. Ces répercussions continuent de se manifester dans l’après-pandémie. Comme le résume le Rapport de l’équipe spéciale de sous-ministres sur les valeurs et l’éthique adressé au greffier du Conseil privé : « La pandémie a radicalement changé le fonctionnement de la fonction publique, a érodé la confiance de la population envers les institutions publiques, a accru leurs attentes et a diminué leur satisfaction générale à l’égard des services gouvernementaux » (Gouvernement du Canada, 2023d). On peut difficilement trouver meilleure synthèse.

L’adaptation de la fonction publique

De nombreux exemples témoignent de la reconfiguration des différents niveaux de la fonction publique qu’on a effectuée pour répondre à l’ampleur et à la nature de la crise sanitaire. L’échantillon ci-après n’illustre que quelques-unes de ces mesures d’adaptation. L’Ontario a mis sur pied une table de commandement en santé, qui relevait du ministre de la Santé et servait de guichet unique pour la supervision et le leadership exécutif de la réponse de la province à la pandémie. Celle-ci a réagi en ajoutant du personnel au ministère de la Santé et à d’autres ministères clés, en modifiant sa chaîne d’approvisionnement selon les commandes d’EPI et en augmentant le pouvoir de dépenser du ministère de la Santé (Angus, 2023). En dehors du domaine de la santé, le ministère du Procureur général a créé un système judiciaire virtuel pour assurer la continuité des procédures (Adach, 2020).

L’examen indépendant de la réponse opérationnelle de la Colombie-Britannique a permis de modifier l’approche du gouvernement provincial en matière de prestation des services publics. Les ressources humaines ont été réaffectées en vue de soutenir les programmes d’intervention, tandis que les ministères se sont adaptés à la prestation de certains services en ligne et ont rapidement apporté les ajustements nécessaires au maintien des services essentiels fournis en personne. Selon les auteurs, la tâche de reconfigurer la prestation des services et de créer de nouveaux services particulièrement nécessaires « s’est effectuée très rapidement, en quelques jours ou semaines, alors qu’il aurait normalement fallu des mois ou des années pour concevoir et mettre en œuvre ces modifications » (de Faye, Perrin, Trumpy, 2022, p. 91).

Le volume I de l’audit de performance du vérificateur général du Nouveau-Brunswick sur la pandémie décrit la manière dont le gouvernement a reconfiguré les procédures habituelles du Conseil exécutif, du Cabinet et des comités pour accélérer la transmission des informations aux décideurs et faciliter la prise de décisions. Selon le vérificateur général : « Le temps requis pour transmettre l’information aux décideurs a été ramené de quelques semaines à, parfois, quelques heures seulement » (Vérificateur général du Nouveau-Brunswick, 2023, p. 34). Entre autres mesures, on a obtenu ce résultat en confiant la responsabilité des séances d’information (qui nécessitaient normalement une série d’étapes pouvant s’étaler sur plusieurs semaines) à un comité spécial sur la COVID, qui regroupait des hauts fonctionnaires, dont le greffier du Conseil exécutif, le ministre de la Justice et de la Sécurité publique ainsi que le sous-ministre de la Santé (Vérificateur général du Nouveau-Brunswick, 2023).

Au Manitoba, la première vague de COVID-19 s’est révélée plus modérée qu’ailleurs au pays et que les vagues suivantes. Santé publique Manitoba a dirigé la réponse à la pandémie avec l’appui d’un comité ad hoc de sous-ministres. Face à la probabilité d’une deuxième vague, on a jugé nécessaire d’adopter une approche de coordination pangouvernementale. On a donc mis sur pied un comité de coordination sur la COVID (CCC) dirigé par le greffier du Conseil exé­cutif et réunissant tous les sous-ministres concernés, le médecin hygiéniste en chef, l’infirmière en chef de Soins communs Manitoba et des représentants du ministère de la Santé. Ce comité est devenu le principal organe consultatif et décisionnel du gouvernement sur la pandémie. Afin de faciliter la mobilisation continue du Cabinet, plusieurs ministres étaient y étaient invités ou y participaient régulièrement pour suivre l’évolution de la situation et poser leurs questions.

Le CCC a tenu des réunions quotidiennes, qui commençaient par un compte rendu du médecin hygiéniste en chef sur la progression du virus et ses répercussions sur le système de santé. On a aussi créé des groupes de travail autonomes chargés des tests, de la recherche de contacts, de la vaccination et de la mise en application pour accroître la vitesse de réaction de la province aux tendances et à l’évolution de la pandémie. Des tableaux d’information et des modélisations étaient régulièrement transmis au CCC, auquel participaient au besoin des repré­sentants du système de santé et des services de santé aux Autochtones pour être informés de la situation dans leurs domaines respectifs et aider à la coordination des mesures.

Il s’est dégagé clairement de ces différentes initiatives que les structures et procédures de gouvernance étaient insuffisants pour faire face à l’ampleur et à l’étendue d’une réponse efficace à la pandémie. Il fallait donc en créer de nouveaux et adapter les anciens pour affronter cette nouvelle réalité.

Les mesures d’adaptation du personnel de la fonction publique

Les fonctionnaires eux-mêmes ont été confrontés à de nouvelles exigences et ont fait preuve d’un inlas­sable dévouement pour assurer les services de l’État (Wernick, 2023). Et ils ont déployé ces efforts dans un tout nouveau contexte professionnel. Le 13 mars 2020 est entrée en vigueur une ordonnance de télétravail destinée à la majorité des fonctionnaires fédéraux. Ottawa a rapidement modifié sa politique de télétravail datant de 1999, puis a établi dans les deux années suivantes plusieurs nouvelles politiques et directives, y compris un allègement des restrictions qui a permis l’adoption de modèles de travail hybride (Champagne, Choinière et Granja, 2023). Comme le télétravail avait été restreint avant la pandémie, Ottawa devait rapidement et clairement améliorer ses capacités en la matière, en augmentant par exemple sa largeur de bande passante, en créant des plateformes de communication et en permettant l’accès à distance, y compris pour les renseignements sensibles (Services partagés Canada, 2021). Des approches analogues ont été adoptées à différents niveaux du gouvernement.

Cet environnement de travail inédit n’a pas été sans conséquence pour les fonctionnaires. Déjà, l’épuisement professionnel avait été désigné en tant que source de préoccupation dans la fonction publique fédérale, et certaines études indiquaient une hausse de son incidence pendant la pandémie (mai 2022). Selon une étude de 2021 sur la santé psychologique d’un échantillon d’employés de Statistique Canada, fondée sur une typologie de profils de santé mentale et d’engagement au travail, 15 % disaient « s’épanouir » au travail, 34 % « bien s’en sortir », 38 % « maintenir le cap » et 13 % « être en difficulté » (Blais, Howell, Tóth-Király et Houle, 2023).

Des défis de longue date

Avant même la pandémie, la prestation des services publics faisait face à de nombreux défis institutionnels. Amanda Clarke, spécialiste de l’administration publique, souligne certains problèmes de longue date observés dans la fonction publique fédérale, de la complexité des procédures à l’aversion pour le risque en passant par le manque de collaboration et la désuétude des politiques générales, surtout en matière d’informatique et de ressources humaines (Clarke, 2023). Ces facteurs allaient constituer pour la fonction publique de nouveaux obstacles à ­surmonter face à la crise sanitaire. Ils ont exercé une grande influence sur la réponse, potentielle puis effective, des gouvernements à la pandémie.

la Démocratie

La pandémie a eu de profondes répercussions sur les institutions démocratiques du pays, le discours social et la confiance de la population envers les institutions publiques. Les premiers jours de la crise ont été caractérisés par la collaboration transpartisane, la solidarité publique et l’engagement collectif à « aplatir la courbe ». Les politiciens ont fait abstraction de leurs allégeances politiques pour adopter des mesures d’aide destinées à l’ensemble Canadiens, alors que la crainte du virus suscitait une grande confiance envers les élus (Turnbull, 2023). Mais cette période s’est estompée avec la montée des tensions entourant l’achat et la distribution des vaccins, les consignes de port du masque, les confinements et les perturbations qui en ont découlé dans les habitudes de vie et de travail. La trêve et la collégialité politiques qui ont marqué la première phase de la pandémie se sont dissipées à mesure que s’installaient chez certains Canadiens une lassitude à l’égard des mesures sanitaires et une frustration causée par une intrusion gouvernementale jugée superflue. Les informations fluctuantes sur le virus et les moyens de le combattre ont aussi accentué ce mécontentement.

Les tensions ont atteint leur paroxysme avec le convoi de camionneurs en colère et les barricades érigées à Ottawa et ailleurs pour décrier l’impact des mesures sanitaires sur les libertés individuelles. Même si le nombre de participants à ces activités ne représentait qu’une infime proportion de la population, un sondage Ekos a révélé que 25 % des Canadiens soutenaient les objectifs des organisateurs du convoi. Mais il a aussi établi une corrélation directe entre le soutien au convoi et de hauts niveaux de méfiance et de désinformation (Ekos Politics, 2022).

La période pandémique a tout à la fois suscité et exacerbé les fractures sociales. Par exemple, les Canadiens à revenu supérieur étaient plus susceptibles d’occuper des emplois « résistants à la pandémie » qu’ils pouvaient exercer à distance, plutôt que des emplois peu rémunérés et particulièrement instables dans le contexte de la pandémie (Statistique Canada, 2022b). La confiance interpersonnelle a aussi varié en fonction de facteurs économiques. Une étude de Wu et autres. a ainsi montré que la confiance sociale, ou la confiance envers autrui, a augmenté entre 2019 et 2021 dans les catégories socioéconomiques supérieures et diminué chez les moins nantis (Wu et autres, 2022).

Confiance du public

La confiance du public a joué un rôle clé pour assurer l’adhésion aux mesures sanitaires, mais son niveau s’est révélé pour le moins instable tout au long de la crise. Dans un article d’Options politiques commandé pour la conférence, McAndrews et autres retracent l’évolution de la confiance du public envers les institutions et s’intéressent en particulier aux sources d’information jugées les plus fiables (McAndrews et autres, 2023). Généralement, les Canadiens ont principalement accordé leur confiance aux spécialistes de la santé, notamment aux responsables de la santé publique, aux fournisseurs locaux de soins de santé et à l’Organisation mondiale de la santé. Ce sont les réseaux sociaux qui leur inspiraient le moins confiance. L’étude de 2022 indique une baisse de confiance envers la totalité des huit acteurs institutionnels (voir la figure 5 ci-dessous).

Les institutions publiques gagnent et perdent la confiance qu’elles inspirent pour diverses raisons. Un modèle de l’OCDE établit cinq indicateurs qui agiraient sur le niveau de confiance envers les gouvernements : fiabilité, réactivité, intégrité, ouverture et équité. Une étude de l’Institut sur la gouvernance a examiné la confiance que les Canadiens accordent à leurs gouvernements à l’aide d’un modèle d’intelligence artificielle unique qui a recueilli les données Twitter de décembre 2020 à décembre 2022. L’étude révèle une confiance moyenne relativement stable au cours de ces deux années, mais aussi une forte variabilité face à certains événements précis. Selon l’une de ses principales conclusions, la réactivité des gouvernements (c’est-à-dire leur capacité à exécuter efficacement leurs services et programmes) et leur ouverture sont les deux indicateurs les plus importants (Institut sur la gouvernance, 2023).

La confiance du public n’existe pas en vase clos. Elle s’acquiert et se raffermit à partir d’une multitude de sources d’information qui se greffent à des perceptions, des expériences et des partis pris, à la fois personnels et collectifs. L’hésitation vaccinale, par exemple, s’ancrait dans de profondes convictions personnelles sur la science et l’intégrité corporelle. L’opposition au port du masque et aux restrictions sanitaires découlait d’une vision du monde mêlant libertés individuelles, valeurs communautaires, convictions religieuses et coercition gouverne­mentale. Si la grande majorité des Canadiens se sont fait vacciner pour se protéger eux-mêmes et contribuer à endiguer la pandémie, une minorité appréciable a refusé le vaccin. Paradoxalement, c’est seulement avec l’arrivée du variant Omicron — qui infectait certaines personnes vaccinées — que la fracture a semblé s’estomper. Dans l’ensemble, la pandémie a eu une profonde incidence sur nos institutions publiques et démocratiques, faisant ressortir des défis persistants en matière de confiance qui perdurent à ce jour.

[1]    Le poste de directeur de la santé publique au Québec est similaire à celui de médecin hygiéniste en chef dans les autres provinces. Pour simplifier le texte, l’emploi du terme « directeurs de la santé publique » (DSP) doit être compris comme comprenant aussi les médecins hygiénistes en chef.

[2]    « Première série » désigne une dose pour les vaccins à une seule dose ou deux doses pour les vaccins à deux doses.

PARTIE II

Ce que nous avons entendu

La conférence Institutions résilientes a permis à des élus, des chercheurs, des fonctionnaires, des professionnels de la santé et des représentants d’organismes communautaires de décrire le travail de première ligne qu’ils ont eux-mêmes effectué durant la pandémie. Les discussions se sont déroulées selon la règle de Chatham House, qui prévoit que les participants peuvent divulguer le contenu de leurs échanges, sans toutefois l’attribuer à quiconque.

Leurs propos sont résumés ci-dessous. Chaque table ronde durait 90 minutes et réunissait quatre ou cinq participants (voir le programme complet à l’annexe B).

Les tables rondes

Le processus décisionnel en santé publique durant la pandémie

Cette table ronde a rassemblé des participants qui ont joué un rôle clé en matière de santé publique. On y a examiné comment se prenaient les décisions, si les structures et procédures de gouvernance suffisaient à la tâche, et s’il avait fallu en adopter de nouveaux. Les participants ont aussi discuté des informations nécessaires à la prise de décisions en période de grande incertitude et des moyens de mobiliser la population autour de ces décisions.

Il est clairement ressorti que les principales institutions liées au processus décisionnel ont géné­ralement fonctionné comme prévu, même si elles ont été mises à rude épreuve. Les Cabinets fédéral et provinciaux, de même que les structures de gouvernance parallèles, ont aussi pleinement fonctionné et ont pu prendre des décisions dans le cadre de notre système de gouvernement responsable. Mais dans tous les cas, il a fallu adapter et reconfigurer la gouvernance selon l’ampleur, le rythme et la portée des décisions à prendre. Une exigence qui s’est étendue à l’infrastructure intergouvernementale de santé publique, notamment aux tables des ministres et sous-ministres de la Santé. Toutes ces mesures ont nécessité une intense mobilisation quotidienne de la part des ministres et des fonctionnaires.

L’un des principaux ajustements que les gouvernements ont dû apporter consistait à confi­gurer leurs processus décisionnels selon une approche « pangouvernementale » qui prenait en compte la réalité d’une pandémie beaucoup plus grave qu’un simple problème de santé publique. Elle touchait l’économie, le système d’éducation et de nombreux autres domaines. Il était donc indispensable que les représentants des ministères travaillent en collaboration. Et comme cette forme de gouvernance n’existait pas partout, il a souvent fallu créer de nouvelles structures. À l’échelle fédérale, on a mis sur pied un comité du Cabinet pour coordonner la réponse à la pandémie. Les structures FPT existantes (comme la Conférence des sous-ministres de la Santé) ont procuré des voies de collaboration, tandis que les gouvernements de tous les niveaux créaient des tables et groupes de travail en appui à un processus décisionnel rapide et ciblé.

Mais les institutions ne représentaient pas en elles-mêmes un gage de réussite. Il leur fallait adapter, reconfigurer ou délaisser certaines de leurs règles et procédures habituelles pour faire bouger les choses avec promptitude et efficacité. Il leur a été extrêmement bénéfique de favoriser de solides relations interpersonnelles au sein des gouvernements et entre ceux-ci, selon une forme de gouvernance collaborative. Nos structures institutionnelles permanentes n’avaient pas prévu les effets d’une pandémie d’une telle ampleur. Le pays n’y était pas préparé et ne disposait pas de réserves suffisantes (en EPI, fournitures et équipements médicaux, produits pharmaceutiques, etc). En revanche, l’imagination et la mobilisation ont permis de concevoir et de déployer des programmes à une vitesse remarquable.

Les propos des participants ont brossé un bilan mitigé des réussites de nos institutions et de notre secteur de la santé. Ils ont noté que le taux de mortalité du Canada, relativement inférieur à celui d’autres pays, s’expliquait vraisemblablement par la rigueur des mesures sanitaires. Cela dit, les hôpitaux canadiens connaissaient déjà une crise de capacité avant la pandémie et ont dû prendre des moyens sans précédent pour faire face à la forte hausse des patients en phase critique. Diverses mesures, comme les transferts entre hôpitaux, ont aidé à relever ces défis de capacités. Certains ont aussi parlé de failles préexistantes dans les systèmes de soins de longue durée, qui ont contribué aux résultats dévastateurs que l’on sait. Du côté des capa­cités de recherche et scientifiques, on a souligné le caractère exceptionnel des discussions et du partage d’informations entre scientifiques et chercheurs du monde entier. Mais on a aussi déploré que la capacité des scientifiques canadiens à mener des essais cliniques, qui évaluent l’efficacité des interventions sanitaires, ait été limitée par une faible infrastructure d’information et la difficulté d’accéder en temps réel aux données et analyses.

Les communautés des Premières Nations disposaient de maigres capacités en santé publique et d’insuffisantes données désagrégées, tout en se heurtant à des biais systémiques privilégiant une conception occidentale de la santé et de la médecine. Certains de ces facteurs ont été surmontés à l’aide de communications et d’interventions adaptées à leur réalité culturelle. Cependant, a-t-on observé, il faudrait que gouvernements et responsables accordent une plus grande confiance aux communautés autochtones afin de mieux les comprendre et d’obtenir leur adhésion, tout en prévoyant la formation et les outils nécessaires. Comme l’a noté un participant[1] :

« Ces capacités doivent exister à plusieurs niveaux […] Les fournisseurs qui travaillent auprès des communautés doivent être mieux formés en santé publique. La formation a une importance capitale. À l’échelon intermédiaire, les décideurs, les analystes de politiques, les fournisseurs de soins et les autres intervenants [doivent] vraiment comprendre les choses, car ils sont aveugles [en ce qui a trait] au fonctionnement des soins de santé dans les communautés des Premières Nations. Ils ne sont pas formés pour le comprendre. »

Par ailleurs, ont précisé certains, la préparation à d’éventuelles pandémies devrait prévoir les meilleurs moyens d’en minimiser l’incidence sur la santé publique (p. ex. ses taux de morbidité et de mortalité) tout en minimisant les perturbations économiques et sociales. Pour ce faire, les structures consultatives doivent s’appuyer sur une réflexion intégrée et coordonnée. ­Durant la pandémie, les données probantes de santé publique ont joué un rôle central dans le processus décisionnel. Mais il aurait aussi fallu tenir compte du contexte scientifique élargi et des répercussions sociétales, économiques et communautaires. Or les structures consultatives n’ont pas toujours favorisé une réflexion intégrée. Il a donc été recommandé de s’inspirer des modèles d’autres pays. Un participant a évoqué ce qui suit :

« Voici ce que j’ai entendu de la bouche de plusieurs ministres : “Mais où peut-on mener une réflexion intégrée et obtenir des avis intégrés sur l’ensemble des facteurs à considérer ?” »

Au moment d’établir les relations et les structures de conseil, il faudrait aussi examiner dans quelle mesure la fonction consultative au sein des gouvernements doit rester indépendante des fonctions décisionnelles et exécutoires. Certains ont souligné que le rôle des conseillers indépendants — qui peuvent fournir des données probantes et s’exprimer librement sur les effets d’une politique — diffère de celui des exécutants des politiques gouvernementales. Tous deux devraient travailler en symbiose, mais il faudrait alors clarifier ce qui distingue leurs fonctions respectives.

Enfin, les participants ont expliqué à quel point il est difficile de communiquer sur les décisions de santé publique et de gagner la confiance du public. En effet, les Canadiens ont été submergés d’avis divergents et d’informations souvent complexes. Les décideurs devaient aussi composer avec l’anxiété de certaines communautés, sans compter une désinformation envahissante. Pour mieux communiquer avec la population, on a notamment suggéré d’intégrer un spécialiste en communication aux équipes scientifiques ou de santé publique.

la Production et le partage de données dans le système canadien de soins de santé

La pandémie a mis en évidence le rôle crucial des données pour éclairer les décisions de ­santé et l’impérieuse nécessité d’en améliorer le partage et l’utilisation à l’échelle du pays. Cette table ronde de spécialistes visait à déterminer comment accroître la collaboration à ce chapitre entre tous les ordres de gouvernement. Elle comprenait des dirigeants politiques bien au fait des défis à relever en matière de partage de données.

Il s’en est dégagé un message clé selon lequel nos procédures et mécanismes de collecte de données ne sont pas équipés pour les flux de données en temps réel. Certains ont observé que l’amélioration des flux de données devrait être une priorité de la phase de dévelop­pement des systèmes de données puis du développement des structures, tout en reconnaissant que ces systèmes n’avaient pas été conçus de la sorte. L’un d’eux a qualifié la structure de données actuelle de « villes sans autoroutes ni infrastructures de connexion ».

La situation était particulièrement problématique quand il fallait répartir les vaccins, les EPI et les ressources humaines. Ces opérations exigeaient une prise de décision rapide; or, les responsables ne disposaient pas de données suffisantes pour déterminer où les ressources ­seraient le plus utiles et prévoir l’effet de leur réaffectation sur certaines collectivités. Des spécialistes ont noté que nos systèmes de données sont conçus pour suivre les changements à long terme ou évaluer les résultats à l’issue d’une crise. En outre, leur faible interopérabilité entrave le repérage des schémas et l’obtention d’un tableau fidèle de la situation au pays. Comme l’a souligné un participant, on ne peut résoudre de manière proactive un nouveau problème s’il est impossible de le repérer. Des spécialistes ont ajouté que les Canadiens doivent clairement savoir ce que leur coûte l’absence de ces flux de données en temps réel. On a aussi évoqué la faible capacité de compréhension des données et la difficulté de recruter des effectifs qui puissent remédier à cette lacune.

Les spécialistes ont avancé plusieurs raisons expliquant les défaillances du partage de données qui persistent dans tous les ordres de gouvernement depuis la crise du SRAS, notamment la complexité technologique de l’infrastructure actuelle et l’imbroglio réglementaire. Par exemple, il n’existe aucune norme universellement admise sur la gouvernance des données. L’un des principaux problèmes résiderait dans la confusion qui entoure les lois sur la confidentialité des données ou la réticence à partager des données masquées au prétexte de la législation sur la protection de la vie privée. À cet égard, plusieurs spécialistes ont soutenu que les craintes de violation de la vie privée relèvent souvent de la diversion alors qu’il existe de nombreux freins et contrepoids. L’un d’eux a noté ce qui suit :

« Nos institutions, organisations et ordres de gouvernement ne peuvent invoquer le concept d’intendance des données pour bloquer la transmission de données auxquelles nous devons accéder en temps réel pour être pleinement informés. »

Les spécialistes ont finalement soutenu qu’on pourrait résoudre beaucoup de ces contraintes si ce n’était d’une culture de protection des renseignements et d’aversion pour le risque qui empêche les données d’être acheminées au bon endroit. Par exemple, les gouvernements provinciaux affichent une certaine nervosité face l’utilisation abusive des données, comme un spécialiste l’a noté :

« Pour eux, c’est une arme à double tranchant. Les données peuvent être instrumentalisées à leur encontre. Cela les rend un peu nerveux, puisque les données sont souvent politisées. »

Le flux de ces données est pourtant indispensable au déploiement des avantages que le ­Canada doit répartir entre les ordres de gouvernements et les parties prenantes. D’où la nécessité de changer la culture d’accaparement des données. Un participant a suggéré de confier à un organe indépendant, l’ICIS, par exemple, le suivi des données manquantes du système afin d’établir de façon plus transparente quels sont les provinces et territoires qui partagent et ne partagent pas leurs données.

On aussi soulevé l’enjeu des données désagrégées. Pour adapter leurs politiques, les décideurs doivent connaître les caractéristiques socioéconomiques propices à des résultats favorables et repérer diverses tendances. Des spécialistes ont récusé l’idée selon laquelle le système de ­données actuel répondrait de façon juste ou équitable aux besoins de chacun. Car en s’accrochant à cette notion, on risque d’ajouter aux lacunes du système. L’expertise nécessaire pour amoindrir les inégalités durables n’existe pas à l’interne. Les communautés auxquelles les gouvernements ont autrefois porté préjudice posent la question d’une confiance à bâtir. Une confiance nécessaire à l’obtention de données individualisées comme l’origine ethnique, l’emploi, le code postal, la scolarité, etc. Ces données désagrégées sont indispensables, car elles permettent d’évaluer l’incidence des crises sur la santé et la situation socioéconomique des citoyens.

L’un des spécialistes a précisé que la pression en faveur des données désagrégées est venue des communautés noires et autochtones, qui comprennent l’importance de mesurer les résultats. La gouvernance efficace des données peut aider à créer des liens de confiance avec des populations qu’on avait systématiquement marginalisées, ce qui favoriserait leur participation, la transparence et la responsabilisation. Comme modèle de collecte de données axée sur la confiance, on pourrait établir des ententes bilatérales de partage d’informations, locales et nationales, attestant la reconnaissance constitutionnelle exclusive aux peuples des Premières Nations, aux Métis et aux Inuits, de même que les droits et principes de la souveraineté des données autochtones.

les Relations intergouvernementales durant la pandémie

La pandémie a constitué l’une des périodes de relations intergouvernementales les plus intenses de l’histoire du pays. Cette table ronde visait à mieux comprendre les défis et possibilités que présentent les relations intergouvernementales en temps de crise. Ses participants ont aussi examiné la manière dont les gouvernements canadiens peuvent appliquer les aspects qui ont bien fonctionné pour améliorer notre réponse aux crises futures. Parmi ses participants figuraient des dirigeants politiques qui ont suivi l’évolution des relations intergouvernementales durant la pandémie.

Les avis étaient partagés sur la question de savoir si les relations intergouvernementales ont facilité ou entravé la réponse à la pandémie. La plupart des participants ont convenu que la communication entre les ordres de gouvernement était très étroite à l’arrivée du coronavirus. Mais selon une indication clé, la fréquence des communications a sensiblement varié après ce premier moment d’unité, ce qui s’est répercuté sur le degré de coordination.

Les relations entre certaines administrations municipales et leurs homologues provinciaux étaient parfois frustrantes, car on attendait des villes qu’elles appliquent plusieurs programmes provinciaux sans véritables directives ni préavis des provinces. Les villes ont aussi subi d’importantes baisses de recettes qui les ont obligées à procéder à des licenciements malgré une plus grande charge de travail. Devant l’inconstance de l’échange d’informations entre villes et provinces, de nombreuses villes se sont consultées entre elles, au pays comme à l’étranger, utilisant diverses plateformes pour partager les informations nécessaires à leurs interventions. Pour illustrer la pauvreté du dialogue, un participant a cité l’étonnant exemple d’un premier ministre qui a communiqué une seule fois avec le maire d’une grande ville durant toute la pandémie. Toutefois, d’autres ont affirmé que certaines frictions étaient inévitables, puisque tous les niveaux de gouvernement étaient en mode de crise. On peut donc supposer que l’exclusion de certains gouvernements de certaines discussions n’avait rien d’intentionnel, mais qu’elle visait plutôt l’application accélérée des mesures adoptées. Comme l’a dit un participant :

« En parlant à certains collègues, j’avais clairement l’impression d’être mis de côté, même si nous assurions tous les services sur le terrain. »

De même, les dirigeants autochtones qui tentaient d’obtenir des vaccins et des EPI étaient mécontents du faible partage d’informations avec les autres ordres de gouvernement. Cependant, une fois le dialogue amorcé, ils ont pu transmettre leurs solutions et leurs plans logistiques. Ils avaient simplement besoin d’un partenaire à la table décisionnelle pour en faciliter la mise en œuvre. On peut tirer de cette expérience une leçon clé : l’exclusion des dirigeants autochtones du processus décisionnel procédait d’une relation qu’on a laissée se détériorer depuis des siècles. D’où l’importance primordiale de renforcer ces liens de façon continue. Dorénavant, ont observé certains, le Canada devra être plus inclusif en intégrant dès le début les dirigeants et gouvernements autochtones à la planification de la gestion des urgences.

La double expérience des administrations municipales et des gouvernements autochtones était révélatrice des tensions entourant les questions de compétences : « Qui fait quoi ? Qui paie pour quoi ? », etc. Un participant a souligné la différence frappante entre des villes « saignées à blanc » et des provinces annonçant des budgets excédentaires, de même que le ressentiment qui s’ensuivait. Les provinces et territoires ont connu des tensions analogues avec Ottawa puisque de nombreux services particulièrement coûteux, comme les soins de santé et les infrastructures, relèvent en grande partie de leur responsabilité alors que leurs possibilités de générer des recettes sont moindres que celles du gouvernement fédéral.

Mais parlons aussi des victoires. Ottawa s’est montré très proactif pour tendre la main aux grandes administrations municipales et assurer la présence des provinces à la table décisionnelle. Il était aussi disposé à troquer certaines règles, pratiques, compétences et procédures pour une configuration mieux adaptée au règlement des problèmes. Tous les acteurs partageaient un même objectif, ce qui formait un puissant outil pour lever les obstacles à la collaboration. Un participant a noté que les premiers ministres se sont réunis toutes les semaines pendant une grande partie de la pandémie. Du jamais vu.

Au début, les provinces et territoires se consultaient pour échanger informations et meilleures pratiques, mais ces communications ont diminué une fois terminée la première phase de la crise. Puis l’intérêt de maintenir ces relations s’est estompé. Ce retour au niveau de communication de l’avant-pandémie n’avait rien de préoccupant, selon un participant, puisque les liens du début de la crise avaient mobilisé beaucoup de ressources que l’on pouvait réaffecter plus utilement quand il n’y avait pas d’urgence. Le défi consiste ici à faire le tri parmi les processus qui ont prévalu durant la pandémie pour déterminer ceux qu’il faut pérenniser ou supprimer. On pourrait instinctivement revenir aux pratiques prépandémiques, mais les gouvernements doivent plutôt examiner les systèmes pour retenir celles qui doivent être préservées. Comme point de départ, on pourrait dresser le bilan du processus décisionnel en vue d’accroître son agilité à long terme. Selon un participant :

« On peut certainement apporter des améliorations. Je crois que par instinct, nous aimerions revenir à nos pratiques d’avant la pandémie. Car franchement, quand les gens sont épuisés, ils ont envie de retrouver leurs habitudes. Mais en fait, il nous faut plutôt faire l’examen des systèmes […] pour en tirer toutes les leçons. »

Le dernier point de discussion a porté sur l’utilité de créer de nouvelles institutions ou d’assurer au contraire le bon fonctionnement des institutions actuelles. Un participant a proposé de rétablir le poste de ministre d’État aux Affaires municipales pour briser l’isolement que les villes ont ressenti durant la pandémie. D’autres ont jugé plus utile de se concentrer sur la ­participation des villes et des gouvernements autochtones aux forums intergouvernementaux existants. Au lieu de créer du nouveau, ont-ils soutenu, il serait plus judicieux d’améliorer la structure actuelle du système.

Imaginer une communauté fédérale qui fonctionne

La pandémie a mis en évidence les forces et les faiblesses de la fédération canadienne. Cette table ronde a rassemblé des hauts fonctionnaires, des élus et des représentants du secteur privé, qui ont examiné comment améliorer la coordination et la collaboration entre tous les ordres de gouvernement pour accroître la résilience de la fédération.

Elle s’est penchée sur l’avenir de la communauté fédérale — une communauté qui ne se limite pas aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux mais qui englobe entre autres les structures de gouvernance autochtones, les administrations municipales, les organisations non gouvernementales et le secteur privé. Cette discussion pourrait être considérée comme le prolon­gement de nos précédentes tables rondes sur les relations intergouvernementales.

Les champs de compétence ont été un élément central de l’histoire de la pandémie. À ses débuts, les gouvernements ont « remué ciel et terre » et mis de côté leurs querelles de compétences pour avancer plus rapidement et produire des résultats de façon radicalement diffé­rente de leurs normes de fonctionnement. Et comme la pandémie touchait tous les aspects de leurs gouvernements, plusieurs dirigeants politiques ont dû rapidement établir des liens relativement nouveaux et renforcer la confiance réciproque. Mais ils ne pouvaient reporter leurs querelles indéfiniment une fois réalisé le grand objectif qui les avait galvanisés, notamment celles qui touchent la façon dont Ottawa exerce son pouvoir de dépenser. Par exemple, l’Accord sur la relance sécuritaire accorde des fonds pour l’éducation aux provinces et territoires mais à des conditions qui, selon certaines provinces, empiètent sur leur compétence exclusive dans ce domaine.

Certains participants ont aussi souligné qu’au-delà de ces tensions sur les champs de compétence, le Canada doit examiner pourquoi les discussions sur la communauté fédérale se limitent aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. D’autres acteurs comme les villes et les gouvernements autochtones pourraient y contribuer, et la décision de les en exclure était une erreur. D’où la nécessité de réfléchir à une nouvelle base de référence en matière de relations intergouvernementales pour préparer le pays à sa croissance, sa compé­titivité et sa prospérité futures.

Face à l’évolution de ces tensions, la table ronde a posé l’importante question de savoir si de nouvelles institutions sont nécessaires pour relever de nouveaux défis, ou si les institutions actuelles sont en mesure de gérer l’accroissement des tensions suscitées par les crises émergentes. La question a passablement divisé les spécialistes. Pour y répondre, selon les participants, la première étape consiste sans nul doute à déterminer le degré d’agilité de nos institutions durant la pandémie.

La réponse du Canada à la pandémie a témoigné de la souplesse de nos institutions, ont estimé certains participants, puisque nos gouvernements ont à maintes reprises « oublié » leurs champs de compétence pour obtenir des résultats. Cette réponse n’exigeait pas des ­gouvernements qu’ils réécrivent des lois ou modifient le paysage institutionnel pour faciliter les choses. Nous avons vu agir un système « gonflé aux stéroïdes », selon les participants, mais dont les capacités surhaussées reposaient sur de solides fondements.

Certains ont toutefois jugé que la réponse à la pandémie a fait peser un fardeau excessif sur les fonctionnaires. Si le Canada a su faire les choses différemment, ont-ils soutenu, il y est arrivé en adoptant des solutions de rechange plutôt que des changements durables et à long terme. Il lui faut donc examiner comment transformer ces solutions de court terme en mesures audacieuses et visionnaires qui renforceront son avantage concurrentiel à l’international. Des spécialistes ont noté que les gouvernements renouaient aujourd’hui avec leurs processus prépandémiques, ce qui les amenait à craindre que nous perdions l’occasion de maintenir, au moins en partie, la flexibilité observée pendant la crise. Comme l’a dit l’un d’eux :

« Le système fonctionnait depuis longtemps, mais il a fallu le gonfler aux stéroïdes pendant la pandémie. Tous les jours, nous parlions au téléphone avec nos homologues des relations intergouvernementales. Et des réunions de premiers ministres se tenaient chaque semaine au lieu d’une fois l’an […]. Mais il n’est pas nécessaire de maintenir ce niveau de mobilisation en période postpandémique. »

Par ailleurs, ont ajouté certains, nos institutions ne favorisent guère l’autodétermination des Autochtones. Par rapport aux précédentes urgences, les gouvernements ont fait des progrès en intégrant les avis et la participation des Autochtones à leur réponse à la pandémie. Mais l’on craint que cet élan vers une véritable mise en œuvre de leur autodétermination ne s’essouffle au lendemain de la crise. Certains ont préconisé l’adoption de changements graduels qui établiraient le climat de confiance dont les peuples, les institutions et les dirigeants autochtones ont besoin pour forger leur propre leur avenir, ce qui pourrait donner lieu à la création de nouvelles institutions.

Les spécialistes ont aussi discuté des facteurs qui pourraient freiner l’évolution de la fédération. L’un des obstacles susceptibles d’entraver cette dynamique réside dans la fragilisation des liens entre les ordres de gouvernement intervenue pendant la pandémie. Selon certains participants, l’esprit de confiance et de collaboration entre gouvernements est aujourd’hui moins fort qu’il ne l’était avant la pandémie en raison de la concurrence qu’ils se sont livrée pour accéder à des ressources comme les EPI et les vaccins, mais aussi de désaccords sur l’approche de la crise.

La fédération devra composer avec le choc économique et l’incertitude causés par la pandémie, en plus des enjeux économiques à long terme que nous affrontions déjà. Sur le plan financier, cette crise n’est pas terminée, comme en témoigne la situation difficile des finances publiques. À cette complication s’ajoute celle d’un déséquilibre budgétaire très variable selon les ordres de gouvernement par rapport à l’avant-pandémie, ce qui pourrait influer sur la façon dont les gouvernements abordent la négociation des politiques, surtout du point de vue fédéral. Une situation qui modifiera l’approche des relations qu’entretiennent les différents gouvernements. L’ensemble de ces facteurs pourrait provoquer des frictions lorsque les gouvernements tenteront de convertir les leçons de la pandémie en changements durables. Un participant a conclu en ces termes :

« Il est important de reconnaître que si nous avons su faire beaucoup de choses différemment — ce qui était très bien durant la pandémie —, il ne s’agissait en réalité que de solutions de rechange. Nous avons fait d’excellentes choses en dépit du statu quo, non pas en le suivant. Alors […], reviendrons-nous maintenant au statu quo ? J’espère que non… »

Les services publics et leur gouvernance

Cette table ronde regroupait des intervenants et des spécialistes expérimentés du secteur public, qui ont discuté de l’institution de la fonction publique, de sa gouvernance et de la prestation des services pendant la pandémie. Ils ont notamment examiné dans quelle mesure la prestation des services s’est transformée et s’est adaptée aux circonstances exceptionnelles occasionnées par la crise sanitaire.

La période de la pandémie avait ceci d’unique qu’elle a focalisé sur un seul problème la quasi-­totalité des gouvernements, qui disposaient de ressources presque illimitées pour le résoudre. Mais selon la mise en garde de certains, on ne peut supposer qu’une telle expérience puisse s’appliquer à l’ensemble des activités et des services de la fonction publique. L’« intervention en cas d’incident » n’est pas un mode de gestion courant. Bon nombre des activités et opérations quotidiennes des gouvernements n’ont connu aucune interruption aux yeux de la population, qui les tenait pour acquises. Dans le même temps, les gouvernements devaient reconsidérer l’ampleur et la portée de leurs interventions. Les décisions prises dans un domaine se répercutaient sur les autres. Par exemple, il est devenu problématique de doter les hôpitaux en personnel quand les garderies ont fermé leurs portes et que les travailleurs de la santé devaient s’occuper de leurs enfants à domicile.

Pour le personnel de la fonction publique, les principaux facteurs de réussite comprenaient la capacité à collaborer, l’usage efficace des technologies, des compétences en triage et l’empathie, que ce soit au fédéral ou au provincial. Selon un message clé qui s’est dégagé de l’expérience, les institutions gouvernementales ont généralement obtenu de bons résultats pour les Canadiens, mais la pandémie a montré que les institutions et systèmes de la fonction publique — notamment les systèmes TI et de données — ne sont pas conçus pour assurer leur résilience. Comme l’a résumé un participant :

« Pour ce qui est d’assurer aux Canadiens le soutien dont ils avaient besoin pendant la crise, je crois que le niveau de performance était excellent. Mais l’héroïsme n’est pas la meilleure stratégie pour maintenir une institution systémiquement résiliente. »

Les participants ont souligné l’importance d’investir dans les éléments fondamentaux. Ainsi, la pandémie a révélé la nécessité de moderniser le câblage, dont celui des systèmes de ressources humaines, d’approvisionnement, de paie et des procédures informatiques. Ces éléments internes ne reçoivent pas toujours l’attention qu’ils méritent, sauf en cas de rupture, alors qu’ils freinent les opérations de la fonction publique et pourraient être indispensables aux futures réussites des gouvernements. La pandémie a montré l’importance d’investir dans la formation et la refonte des technologies, tous deux essentielles à la réussite à long terme de nos institutions publiques, mais trop souvent la cible de politiciens en quête de compressions budgétaires.

Les participants ont également souligné la nécessité d’élaborer en temps normal des politiques et des programmes axés sur la simplicité et l’utilisation de plateformes informatiques modernes que l’on peut échelonner, adapter et tester en temps réel. La complexité des politiques peut causer une rigidité d’application qu’il est difficile de corriger en période de crise. La conception de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) illustre ce besoin de simplicité et d’efficacité technologique. Car même si Ottawa a pu concevoir et déployer rapidement la PCU, la complexité du régime d’assurance-emploi (AE) et la désuétude de sa plateforme informatique ont créé d’énormes problèmes qui ont nécessité des solutions de rechange et des efforts « héroïques » de la part des fonctionnaires. Comme en a témoigné un participant :

« Si nous sortons de cette crise sans avoir fondamentalement transformé les systèmes principaux, nous serons incapables de tirer profit d’un grand nombre d’innovations et aurons gâché l’occasion offerte par la crise. »

Certains ont aussi évoqué les moyens clés qui ont permis à la fonction publique de réagir rapidement et adéquatement. Les risques, par exemple, étaient appréhendés et gérés différemment. Si bien que nous avons aujourd’hui l’occasion d’optimiser la gestion des risques pour faciliter l’innovation et accélérer la prestation des services, tout en maintenant la responsabilisation. Les liens entre élus et fonctionnaires se sont assouplis pendant la crise. Ils communiquaient plus ouvertement quand se produisaient des erreurs et des changements de cap, ce qui était presque inévitable étant donné la vitesse de déploiement des programmes et ­mesures. Il faut donc saisir l’occasion pour maintenir ce franc dialogue et revaloriser le mandat de la fonction publique de « dire la vérité au pouvoir ». Un participant a noté ce qui suit :

« Nous entrions directement dans les bureaux des ministres pour discuter des problèmes et trouver des solutions. C’est un superpouvoir que nous pourrions utiliser en tout temps […] un échange d’informations ouvert et transparent pour s’assurer que personne ne soit pris au dépourvu. »

Enfin, on a décrit dans quelle mesure les différents ministères et ordres de gouvernement étaient activement mobilisés sur tous les aspects de la vie des Canadiens. Les gouvernements provinciaux et territoriaux, soit l’ordre de gouvernement responsable des services plus directs, entretenaient avec les citoyens des liens différents de ceux du gouvernement fédéral et devaient souvent transmettre des informations aux répercussions particulièrement concrètes, par exemple les fermetures d’école ou les consignes de visite dans les hôpitaux.

Le rôle et les compétences des fonctionnaires de demain

Cette table ronde a porté sur l’avenir de la fonction publique de l’après-pandémie du point de vue des rôles et des compétences des fonctionnaires. Elle a examiné à quoi devrait ressembler la fonction publique de demain et comment accroître son agilité, son adaptabilité et la numérisation de ses activités.

La qualité et l’efficacité des services a fait l’objet d’une franche discussion, puisqu’on ne peut parler des compétences des fonctionnaires de l’après-pandémie sans tenir compte des systèmes actuels de l’administration publique. Comme à la précédente table ronde, on a souligné que les fonctionnaires et les institutions de l’administration publique ont dû répondre à des exigences inouïes pour assurer l’exécution de nouveaux programmes et services dans des délais extrêmement serrés. À maintes reprises, des procédures et systèmes de données et informatiques désuets ont frôlé le point de rupture. Et selon le sentiment général, le Canada s’est extirpé de la crise malgré la désuétude de ces systèmes. Voici les propos d’un participant :

« Premièrement, je crois que le Canada a pu traverser la pandémie, à tout le moins à l’échelon fédéral, non pas grâce à nos systèmes mais en dépit de ces systèmes […]. La plupart des ministères ont consacré les deux premières semaines, sinon les deux premiers mois, à réparer leur organisation plutôt qu’à lutter contre la COVID. »

La pandémie a exacerbé les tensions d’une fonction publique déjà mise à rude épreuve à maints égards. Tous les participants ont toutefois souligné le travail exceptionnel des fonctionnaires, déterminés à relever le défi. Sur le maintien de cet état d’esprit, l’un d’eux a affirmé :

« Si j’avais un seul souhait à formuler, c’est que j’aimerais que la fonction publique devienne banalement excellente plutôt qu’occasionnellement héroïque. »

Parmi les problèmes chroniques — bien connus au sein de la fonction publique comme à l’extérieur —, citons la lourdeur hiérarchique, la lenteur des procédures d’approbation, l’aversion pour le risque, la désuétude des méthodes de gestion des ressources humaines et le cloisonnement des structures. Des problèmes qui étouffent de longue date l’innovation, comme l’a clairement souligné un participant :

« Disons-le franchement, les discussions sur la fonction publique canadienne sentent le réchauffé. Qu’on remonte aux rapports du greffier des décennies passées, aux analyses de chercheurs d’il y a 30 ans, et même à la Commission Glassco des années 1960 […], on trouve toujours des passages sur la difficulté à être créatif et à innover face à la lourdeur, la sclérose et la hiérarchisation des procédures d’approbation, l’insuffisance de la collaboration, la profonde aversion pour le risque et la crainte d’une divulgation publique des défaillances. »

S’ajoutant à ces défis endémiques de sa fonction publique, le Canada évolue dans un monde en rapide transformation, de plus en plus complexe, voire plus dangereux, confronté à des menaces inédites. S’il est impossible de prévoir la nature exacte des crises à venir, mais le développement de systèmes performants favorisera certainement l’efficacité de la fonction publique. Comme l’a évoqué un participant :

« Le monde extérieur change rapidement. Il devient plus dangereux et plus hostile. Je ne suis pas convaincu que nos institutions [soient] préparées à faire face aux nouvelles réalités que le Canada devra affronter. »

Les discussions sur la recherche de solutions avaient en commun de préconiser un leadership courageux et dûment mandaté pour s’attaquer aux problèmes qui affligent des systèmes fortement réfractaires au risque et au changement. Surtout au niveau de la haute direction, a-t-on précisé, le leadership doit favoriser une prise de risque qui permettra de résoudre les problèmes persistants des systèmes principaux, comme l’obsolescence de la structure de gestion des ressources humaines et des systèmes informatiques, mais aussi d’opérer les changements culturels qui assureront la constante modernisation de la fonction publique. Des hommes et des femmes dynamiques doivent être affectés aux postes qui traiteront ces problèmes complexes et stratégiques. La pression citoyenne en faveur d’une prestation améliorée des services pourrait également jouer un rôle catalyseur.

Les participants ont aussi a évoqué la crise de compétences qui touche les gouvernements du pays. La fonction publique doit prévoir plus activement les compétences dont elle aura besoin, développer et transférer ces compétences, et créer un environnement de travail qui fidélise les meilleurs talents. Le tout en préservant des valeurs fondamentales comme l’impartialité et l’engagement. Les Canadiens sont très instruits et bien formés, mais il y a parfois inadéquation entre leurs compétences et celles que réclame le marché du travail. Un participant a souligné l’ampleur de la pénurie de talents tout en notant qu’on néglige d’exploiter l’actuel bassin de talents du gouvernement fédéral, « car personne ne demande à quiconque, et moins encore aux gestionnaires, d’imaginer une organisation de services moderne ».

Quelles compétences doivent posséder les fonctionnaires d’aujourd’hui et de demain ? Les participants ont cité des compétences comportementales comme le leadership, la résilience, la ténacité, l’esprit d’entreprise et le jugement, toute essentielles pendant la pandémie et importantes pour l’avenir. L’un d’eux a proposé de leur ajouter la littératie numérique, la compréhension des mesures de protection contre les dangers de l’IA et la gestion des intervenants. Car si certains groupes du gouvernement savent mobiliser les intervenants, il faut en faire davantage pour assurer la participation réelle des citoyens et des parties prenantes à l’élaboration des politiques et services. Un participant a posé la question suivante :

« Comment faire en sorte que cette participation ne soit pas perçue comme purement symbolique quand nous nous adressons aux Canadiens ? »

L’utilisation croissante de l’intelligence artificielle (IA) et autres technologies de rupture aura aussi un fort impact sur l’avenir du travail. La fonction publique doit saisir l’occasion pour exploiter de manière proactive ces technologies tout en assurant leur gestion et leur utilisation responsables.

La pandémie et l’arrivée du télétravail ont fortement stimulé l’innovation dans la fonction publique, pour ce qui est notamment du gouvernement numérique. Essentiellement, la pandémie a obligé les gouvernements à réexaminer le « labyrinthe des règles » dictant la prestation de services et l’élaboration des programmes. On craint toutefois que cette dynamique d’innovation numérique ne commence à s’essouffler puisque plusieurs éléments structurels — ­hiérarchisation excessive, lenteur des procédures d’approbation, gestion cloisonnée, etc. — n’ont guère changé. Un solide leadership, des changements structurels et de nouvelles incitations seront nécessaires pour accomplir des progrès durables. Pour certains participants, on a aussi négligé l’occasion d’opérer des changements stratégiques ou législatifs à long terme inspirés des mesures d’adaptation à court terme issues de la pandémie. Comme l’un d’eux l’a expliqué :

« Faire preuve d’innovation dans la fonction publique est un combat de chaque instant. La surabondance des règles, processus et procédures rend cette tâche écrasante […] En ce moment, c’est un propos qu’on entend constamment dans la fonction publique fédérale. »

Pour ce qui est enfin des principes d’EDI (équité, diversité et inclusion) publique, les participants ont soutenu qu’il revient aux dirigeants de répondre de leur application, et que celle-ci ne doit pas se limiter aux pratiques d’embauche, mais s’étendre à la création d’une culture inclusive. Pour une fonction publique représentative, il faut une gestion qui l’est tout autant.

Les citoyens et les institutions durant la pandémie

Cette table ronde a porté sur les perceptions et expériences de l’ensemble de la population. Elle s’est intéressée au rendement des institutions durant la pandémie du point de vue des citoyens, puis a proposé d’intégrer des voies plus diversifiées à la gestion des crises futures pour renforcer le caractère inclusif du processus décisionnel. Elle regroupait des leaders représentant différents groupes de la société civile et communautaire, qui ont décrit leurs interactions avec les gouvernements. L’enjeu de la confiance figurait parmi les thèmes clés des discussions.

Les participants ont insisté sur la nécessité pour les gouvernements de gagner la confiance des différentes communautés, mais aussi de faire confiance à l’expertise et au savoir de leurs dirigeants en leur assurant ressources et pouvoir décisionnel. Certains ont déploré qu’en dépit des efforts de ces dirigeants pour obtenir l’appui de leurs communautés respectives, ils ont dû se battre pour être invités aux tables de prise de décisions. Ce qui a fait perdre un temps précieux qu’on aurait pu consacrer à l’amélioration des résultats de certaines mesures (dont la distribution des vaccins). Comme rien ne peut remplacer les liens qui unissent ces dirigeants à leurs communautés, a observé un participant, les gouvernements devraient les intégrer d’emblée à leurs décisions lors des prochaines crises.

Il a aussi été question des querelles de compétences qui ont compliqué la tâche de ces dirigeants, qui devaient déterminer à quelle source obtenir du soutien pour leurs communautés. Il était particulièrement difficile d’obtenir un appui matériel des provinces, ont noté certains, tandis qu’il était difficile de joindre directement les représentants fédéraux. Les groupes autochtones ont été négligés par différents ordres de gouvernement étant donné la confusion entourant la détermination des responsables du soutien économique et sanitaire aux communautés autochtones. Les Autochtones hors réserve ont souvent été oubliés, et les ressources qui leur étaient accordées répondaient rarement à leurs besoins prioritaires. Tous les organismes communautaires ont consacré beaucoup de temps et de ressources à convaincre les gouvernements de corriger le tir. L’application des mesures de soutien aurait été meilleure si l’on avait mobilisé ces groupes dès le début, comme l’a noté un participant :

« Le problème, c’était l’inaction des provinces. J’ai réussi à mobiliser un fonctionnaire fédéral parce qu’il avait déjà parlé à des représentants autochtones. C’était très difficile de rassembler […] des gens du fédéral et des provinces. Ils ne se présentaient pas aux tables des Villes, si bien que les organismes autochtones discutaient entre eux des moyens de les convaincre d’y participer, ce qui était très important. Il y avait un type formidable qui était chargé des appels. Il a tout fait pour faire bouger les choses. Mais c’était un immense défi. »

Les participants ont également observé que la confiance envers les institutions, forte au début de la pandémie, a sensiblement diminué par la suite. En matière de confiance, l’appartenance politique constitue forcément un élément contextuel. La confiance qu’inspire un gouvernement tendra à augmenter si le parti au pouvoir a obtenu nos suffrages, et inversement. Au début, les chefs des différents partis étaient unis autour d’une même approche, ce qui a favorisé le soutien de la population. Mais lorsque cette belle unité s’est affaiblie, le soutien public aux mesures sanitaires s’est amoindri. La confiance coïncidait aussi avec les lignes de parti, selon qu’on se sentait ou non représenté par son gouvernement. La confiance envers les institutions reculait en outre lorsque les mesures semblaient incohérentes. Par exemple, un participant a fait remarquer que les membres d’une communauté étaient moins enclins à respecter les mesures s’ils jugeaient qu’elles touchaient injustement certains groupes. Un autre a recommandé que les gouvernements examinent les mesures sanitaires à la lumière des coûts personnels et sociétaux qu’elles occasionnent afin de minimiser leur effet perturbateur sur le gagne-pain des citoyens.

La seule exception à cette baisse de confiance s’appliquait aux travailleurs de la santé (médecins, personnel infirmier et professionnels de la santé). Des sondages ont montré que la confiance à leur égard est restée stable tout au long de la pandémie. Mais il y a eu quelques tiraillements, surtout autour des campagnes de vaccination. Les membres de minorités ethniques, par exemple, obtenaient rarement des consignes dans leur langue et trouvaient d’autant plus difficile de s’y conformer, ou devaient elles-mêmes en faire la traduction. Pour rejoindre les groupes démographiques, des participants ont proposé que les gouvernements s’informent de leurs sources d’information (canaux WhatsApp, médias des communautés culturelles, bouche-à-oreille, organismes religieux, etc.). Voici ce qu’a noté l’un d’eux :

« Ils n’étaient pas en contact avec la communauté. Ils ignoraient quels étaient ses besoins […]. [Et la communauté] ne regardait pas les médias grand public, seulement les médias ethniques […]. C’était incroyable de voir comment les médias ethniques arrivaient à bâtir cette confiance, ce que plusieurs institutions ne savaient faire. »

Confiance, communications et prise de décisions

Cette table ronde rassemblait des élus, des observateurs et des chercheurs qui ont examiné le rendement de nos institutions démocratiques durant la pandémie en mettant l’accent sur la confiance de la population et les communications. Ils ont aussi discuté des moyens de renforcer les liens entre élus, gouvernements et citoyens.

La pandémie a poussé les gouvernements et les élus à imaginer des moyens de communication efficaces pour renseigner clairement, rapidement et régulièrement les Canadiens sur un virus qui échappait en grande partie à leur contrôle, en dépit d’informations et de données scientifiques souvent incomplètes, confuses et fluctuantes. D’où la difficulté de mener une communication fondée sur des données probantes pendant la progression de la pandémie. Inévitablement, cela s’est répercuté sur la confiance du public.

Il fallait d’ailleurs s’y attendre, puisque les données évoluaient rapidement alors même que les citoyens avaient besoin d’informations en temps réel pour prendre des décisions touchant leur santé, leurs activités quotidiennes et leur gagne-pain. Les gouvernements ont donc adapté leur façon de communiquer. Par exemple, Ottawa a créé une équipe de communication intégrée pour maximiser son rayon d’action et gérer le volume de ses consignes, pris en compte la nécessité d’individualiser ses messages selon chaque communauté, et recouru aux sciences comportementales pour mieux adapter sa communication aux citoyens.

La table ronde a fait ressortir une nette distinction entre les phases de la pandémie qui ont précédé la campagne de vaccination et celles qui l’ont suivie. Au début, une grande unité s’est formée autour de l’objectif d’« aplatir la courbe », et la collaboration était manifeste entre les partis et les ordres de gouvernement. Comme souvent en période de crise et d’incertitude, la confiance de la population était très élevée. Cette unité s’est notamment fragmentée quand les gouvernements sont entrés en concurrence pour l’achat de vaccins et que la population s’est divisée autour de l’acceptation du vaccin, puis du statut vaccinal.

Cette polarisation sociétale et politique est aujourd’hui profondément ressentie à tous les niveaux du discours public. Certains participants ont évoqué la faible empathie pour les hésitants à la vaccination et suggéré qu’elle a partiellement alimenté un « sentiment de désengagement et de marginalisation » toujours très présent. Une autre fracture sociétale a découlé des conséquences variables de la pandémie selon le statut socioéconomique. Par exemple, ces conséquences étaient très différentes pour les employés de bureau qui travaillaient à domicile et les travailleurs essentiels du secteur des services. La polarisation du débat public atteint aujourd’hui des proportions endémiques, et il semble particulièrement difficile de s’entendre avec civilité sur quoi ce soit. Un participant a décrit comme suit ses effets :

« Il y a longtemps que n’avons été aussi éloignés les uns des autres, me semble-t-il. C’est un phénomène qui s’infiltre non seulement en politique fédérale mais à tous les niveaux du discours public, des élections de conseils scolaires jusqu’au sommet. Ce n’est donc pas un changement à la tête d’un parti qui pourra y faire quoi que ce soit. C’est massif et endémique. J’ignore pour l’instant comment on pourrait l’extraire de l’ADN de notre vie politique. »

La complexité des communications pendant la crise a aussi contribué à endommager la confiance envers nos institutions. L’absence d’un point de vue unique sur les enjeux, la fluctuation des recommandations et l’omniprésence des réseaux sociaux ont favorisé la prolifération du doute et de la désinformation. Selon certains, les conflits de compétences ont également suscité confusion et incertitude. Par exemple, les avis des directeurs de la santé publique des provinces et territoires pouvaient différer de ceux de l’administratrice en chef de la santé publique du Canada. Cet écart a parfois été exploité par les propagateurs de désinformation pour semer le doute à l’égard des communications gouvernementales. En tant que fédération, a suggéré un participant, le Canada doit ­définir de meilleures approches de communication pour élaborer et maintenir un discours public unique et puissant. À cet effet, on aurait pu envisager de créer durant la pandémie un comité de crise du Cabinet regroupant des membres de l’opposition officielle et des autres partis. Face à la complexité de l’environnement de communication, un autre participant a proposé de renforcer les capacités de compréhension des facteurs d’incertitude et de changement :

« Parmi les leçons apprises […], il y a la façon de transmettre l’information tout en rassurant les gens, mais en créant aussi un espace qui les aidera à reconnaître et à accepter les changements à venir. »

Selon une leçon primordiale à retenir, le Canada aura du mal à obtenir la même adhésion de la population aux restrictions gouvernementales au début d’une prochaine crise. La confiance à l’égard du gouvernement et des autorités de santé publique, tout autant que la confiance sociétale entre concitoyens, a été ébranlée. Parallèlement, la pandémie s’est déroulée dans un contexte démocratique et politique marqué par une rhétorique extrêmement polarisante, si bien que de nombreux Canadiens jugeaient qu’aucun des grands partis ne comprenait ou ne considérait leur réalité. Comme l’a noté un participant :

« Lorsqu’une démocratie fonctionne vraiment bien, il y a une synergie entre ce qui se dit à la Chambre des communes, ce qu’on entend comme rhétorique politique et ce qui est ressenti dans la population […]. Il y a une réceptivité, une connexion. Lorsqu’une démocratie fonctionne mal, il se crée une étrange relation d’instrumentalisation entre la rhétorique et les chefs politiques, d’une part, et ce que ressent la population d’autre part. Beaucoup de gens se considèrent aujourd’hui comme des orphelins politiques, et ce n’est pas sans raison. »

Nous pourrions favoriser la reconstruction d’une démocratie vigoureuse en apportant des changements à la gouvernance démocratique, y compris au système électoral, aux règles des campagnes à la direction des partis et ainsi qu’aux lois sur le financement des élections.

En résumé : quel a été le rendement de nos institutions ?

La conférence Institutions résilientes avait pour principal objectif de déterminer le rendement des institutions publiques canadiennes durant la pandémie et d’en tirer les leçons essentielles.

Nos tables rondes ont suscité des réponses mitigées sur la question du rendement de nos institutions, qui permettent de définir trois perspectives d’ensemble :

  • Les institutions canadiennes ont bien fonctionné, réagissant de façon agile et compétente à une situation sans précédent ;
  • Les institutions canadiennes ont fonctionné adéquatement, malgré des lacunes et des faiblesses qui doivent être corrigées à l’échelle communautaire ;
  • Les institutions canadiennes ont échoué ou ont mal fonctionné, prenant des décisions inadéquates et erronées qui ont causé préjudice aux Canadiens et affaibli la confiance de la population.

La conférence a dégagé un consensus clair : nos institutions n’ont ni fonctionné parfaitement ni totalement échoué à la tâche. La pandémie a montré qu’elles peuvent faire preuve de souplesse et d’agilité, mais elle a aussi révélé de sérieuses faiblesses institutionnelles et de gouvernance qui ont affecté la réponse des gouvernements et les résultats en matière de santé publique. Des faiblesses auxquelles il nous faut remédier. Bien que le bilan mitigé de nos tables rondes soit sans doute peu étonnant, cette vision nuancée du rendement de nos institutions doit être prise en compte par les décideurs. Il importe aussi de noter que les trois perspectives d’ensemble ne sont en rien incompatibles entres elles. Certaines institutions ont été jugées performantes à certains stades de la pandémie et beaucoup moins à d’autres (voir figure 6).

Chacune des perspectives s’accompagne d’une leçon clé. Selon les tenants de la première perspective, la pandémie a obligé les institutions publiques à renforcer leur adaptabilité, ce qui a ensuite révélé leurs forces sous-jacentes. La clé consiste ici à canaliser les forces à l’œuvre pendant la pandémie, puis à trouver comment les exploiter en temps normal. Le Canada a particulièrement besoin d’institutions innovantes et audacieuses qui savent relever des défis complexes. Les tenants de la deuxième perspective ont suggéré que nos institutions investissent le temps et les ressources nécessaires pour corriger les écarts de capacité, concevoir des systèmes optimaux et doter la fonction publique d’une solide main-d’œuvre, aussi bien pour assurer sa réussite en temps normal que pour répondre aux crises futures. Enfin, les tenants de la troisième perspective ont décrit à quel point la pandémie a à la fois révélé et aggravé les problèmes de perte de confiance, de polarisation et de désinformation, tout en provoquant la détérioration de certaines relations au sein de la fédération. Ils jugent essentiel d’intégrer le règlement de ces problèmes à toute proposition visant à renforcer la résilience des institutions publiques.

Perspective 1 : les institutions canadiennes ont bien fonctionné

Selon cette première perspective, les institutions publiques canadiennes ont généralement bien fonctionné lorsqu’elles étaient soumises à d’énormes tensions. La clé de ce succès a résidé dans leur adaptabilité et leur capacité de travailler de façon innovante au sein des structures et systèmes existants.

Le régime politique du Canada aurait ainsi favorisé l’adaptation des institutions, qui ont maintenu leurs activités malgré des consignes inédites de télétravail, tout en redirigeant leurs efforts vers la lutte contre la pandémie. Le gouvernement fédéral a été en mesure d’élaborer et d’exécuter de vastes programmes de soutien et de services, notamment la PCU, même si une grande partie du personnel de la fonction publique travaillait à distance et faisait face aux mêmes pressions et restrictions que l’ensemble des Canadiens. De leur côté, les gouvernements provinciaux ont assuré un soutien supplémentaire et souvent coordonné. Un facteur clé a contribué à ce résultat : le travail inlassable, la mobilisation et l’esprit d’innovation des fonctionnaires de tous les niveaux.

Dans un premier temps, tous les gouvernements ont mis en œuvre les mesures sanitaires avec rapidité et une relative efficacité, ce qui aidé le pays à gérer les débuts de la COVID-19. La campagne de vaccination 2021-2022 a été particulièrement réussie. Les autorités de santé publique de tout le pays ont fait preuve d’une coopération et d’une coordination extrêmement fortes. À bien des égards, les relations intergouvernementales ont ainsi mieux fonctionné pendant la crise qu’en temps normal. Une réussite qu’on peut attribuer à la clarté de leur objectif commun, à de fréquentes communications et à leur volonté de mettre de côté leurs modes de comportement habituels.

Parallèlement, ont noté certains, ces réussites institutionnelles ne peuvent être pérennisés étant donné l’extrême pression qu’elles font subir aux fonctionnaires, et ne peuvent être reproduites hors des situations de crise. Par exemple, on ne pourrait maintenir en permanence le rythme quotidien des communications intergouvernementales, pas plus qu’on n’accepterait d’engloutir en temps normal des fonds et des ressources d’une telle ampleur. Comme l’a expliqué un participant :

« Il est moins facile d’appliquer les leçons de 2020 qu’on pourrait le penser. La pandémie a constitué une période de collaboration exceptionnelle pour les gouvernements […], qui disposaient de ressources presque illimitées. Nous revenons maintenant à un mode normal de gouvernance. »

Perspective 2 : les institutions canadiennes ont fonctionné adéquatement

Selon la deuxième perspective, le pays a globalement produit les résultats escomptés pour l’ensemble des Canadiens, et ses institutions publiques ont fonctionné adéquatement. Toutefois, ces résultats ont parfois été obtenus en dehors — ou en dépit — de ces mêmes institutions.

Différents groupes communautaires, locaux, culturels, autochtones et d’intervenants nous ont décrit les obstacles qu’ils ont dû franchir pour être véritablement intégrés au processus décisionnel. Ils ont aussi expliqué qu’ils avaient pu rejoindre les Canadiens grâce à des approches adaptées aux différentes réalités culturelles, laissant clairement entendre qu’il faudrait norma­liser cette démarche.

Plusieurs tables rondes ont examiné l’utilisation de stratégies communautaires pour accroître les taux de vaccination. S’appuyant sur des approches culturellement adaptées, des citoyens et des groupes communautaires ont conçu et diffusé de l’information en plusieurs langues sur les vaccins et les pratiques d’hygiène. Nous avons aussi appris que des groupes autochtones, culturels et communautaires auraient pu participer plus activement aux tables consultatives officielles, ce qui leur aurait permis de transmettre aux décideurs les connaissances de terrain nécessaires pour répondre à leurs besoins particuliers. C’est ainsi que plusieurs commu­nautés, dont les peuples autochtones et les sans-abri, n’ont pas été adéquatement rejoints et ont subi des préjudices. Certains groupes de défense et groupes communautaires ont également parlé de la lutte qu’ils ont dû mener pour participer aux différentes tables. En prévision des prochaines crises, il a aussi été question d’intégrer d’autres points de vue aux structures de conseil axées sur la santé publique, notamment en matière d’économie, d’éducation et de services sociaux.

Les institutions publiques faisaient face à des écarts de capacités et des défis de longue date avant même la pandémie, y compris l’obsolescence de leurs systèmes et processus informatiques et de données. Leurs systèmes de soins de santé fonctionnaient déjà dans des conditions difficiles avec des ressources humaines fortement limitées, sans compter des plateformes de partage de données dont la configuration n’était pas optimale en cas de crise. Amplifiés par les exigences de la pandémie, ces défis préexistants ont entraîné le report ou l’annulation de nombreuses procédures médicales. Cet arriéré des procédures n’est toujours pas résorbé.

Perspective 3 : LES INSTITUTIONS CANADIENNES ONT LIVRÉ UNE PIÈTRE PERFORMANCE

Selon la troisième perspective, les institutions publiques canadiennes n’ont pas fonctionné adéquatement durant la pandémie et nous sommes aujourd’hui confrontés à des problèmes aggravés par l’érosion de la confiance du public et la fragmentation de la cohésion sociale.

La confiance envers les institutions comptait parmi les thèmes clés de la conférence. La pandémie a eu des retombées sur la confiance envers les institutions en général, mais aussi les institutions sanitaires et les responsables de la santé publique en particulier. De nombreux facteurs peuvent l’expliquer, à commencer par l’ampleur et l’interminable durée de la pandémie. L’apparente incohérence des mesures sanitaires et la sévérité de certaines consignes ont contribué à une « fatigue pandémique » généralisée. Le tout a été exacerbé par la fluctuation des preuves scientifiques et des avis sur les moyens de réagir au virus lui-même, les conflits de compétences sur l’approche à privilégier et les messages contradictoires des autorités publiques. Sans parler des réseaux sociaux, qui ont propagé désinformation et mésinformation.

Des leaders d’opinion des communautés autochtones ont fait état d’une discrimination et d’un racisme structurels au sein des institutions publiques, dont l’incidence reste cruciale sur la confiance qu’inspirent les institutions et le système de santé. Comme l’a carrément affirmé un participant :

« Le système est intrinsèquement raciste. À cause de ce passé, de ce racisme structurel que le système nous impose constamment, la confiance n’existe tout simplement pas. »

Les participants ont aussi évoqué une détérioration des liens entre Canadiens provoquée en partie par leurs expériences différentes de la pandémie et leurs opinions divergentes sur les mesures sanitaires, aggravées par la polarisation du débat politique. Une polarisation dont les principales manifestations ont été l’épisode du convoi des camionneurs, qui s’est déroulé à Ottawa en janvier et février 2023, et les barricades dressées à la frontière américaine en Alberta et en Ontario.

La pandémie a mis en évidence, et envenimé, certaines relations au sein de la fédération. Le ton aimable des premiers ministres en début de pandémie a progressivement laissé place à des querelles et récriminations plus familières. On a aussi parlé de tensions dans les relations provinciales-municipales, ainsi que de l’énorme déficit des villes qui sont aujourd’hui à l’avant-poste d’autres crises comme celles du logement et des médicaments toxiques. Enfin, certains ont soutenu que le système de santé ne profite pas équitablement à tous les citoyens, ce qui a favorisé les écarts observés pendant la pandémie. Un participant a conclu en ces termes :

« Votre code postal en disait beaucoup. Votre capacité de survivre, ou d’obtenir les soins que vous désiriez, dépendait largement de votre lieu de résidence, de votre emploi et de votre visi­bilité. Votre origine ethnique avait aussi une importance décisive. Le genre de logement et le nombre de personnes sous le même toit… Tout cela avait des conséquences. »

Tous ces enjeux font aujourd’hui partie du programme postpandémique des gouvernements du Canada.

[1]    Le masculin est employé de manière générique pour identifier de manière anonyme tant les participantes que les participants aux tables rondes.

PARTIE III

Ce qui a fonctionné ou non et ce qu’il faut faire maintenant

La deuxième partie du rapport mettait en lumière ce que nous avons entendu au cours de la conférence et résume chaque table ronde, en concluant par l’évaluation des participants sur la manière dont les quatre institutions se sont comportées pendant la pandémie. Ces participants — fonctionnaires, décideurs, dirigeants communautaires et spécialistes des politiques publiques — ont tous été au cœur de la réponse du Canada à la pandémie.

La partie III est constituée de nos conclusions et recommandations basées sur ce que nous avons entendu, pris en compte et examiné dans le cadre de recherches subséquentes. Quatre leçons clés résument les enseignements les plus importants. Nous formulons ensuite
12 recommandations spécifiques, soit 3 pour chaque leçon.

Ces recommandations s’adressent principalement aux gouvernements et, par extension, à tous les Canadiens. Elles concernent également les organisations de la société civile et les acteurs des politiques publiques. Chaque recommandation est liée à ce que nous pensons que le pays doit faire afin de tirer de réelles leçons et de passer à l’action pour rendre nos institutions plus résilientes et nous aider à faire face aux crises futures.

Notre objectif a toujours été positif : il s’agit d’apprendre et de changer en conséquence, et non de blâmer et de mettre au pilori. Il ne s’agit pas de pointer les manquements de certains politiciens ou fonctionnaires, mais plutôt d’évaluer les performances à l’échelle institutionnelle. Nous cherchons à être mieux armés pour mener la prochaine bataille, et non à revivre la précédente. Comme tous les Canadiens, nous regardons vers l’avenir.

S’il est une conclusion générale que nous pouvons tirer de la manière dont le pays a réagi à la pandémie de COVID-19, c’est que les gens se mobilisent en cas de crise. Dans l’ensemble, les Canadiens se sont serré les coudes, du moins au début. Mais cela ne remplace pas la capacité institutionnelle des gouvernements à réagir activement et correctement. On ne peut pas construire des institutions résilientes uniquement grâce au dévouement et à l’héroïsme professionnel des fonctionnaires et des dirigeants communautaires. Les gouvernements ont agrandi la taille de l’État au fil des décennies, sans tenir suffisamment compte de l’infrastructure institutionnelle sous-jacente, composée de personnes, de systèmes et de processus qui déterminent les performances.

La pandémie nous a appris que la capacité institutionnelle ne peut être considérée comme acquise. Elle n’a pas été présente, adéquate, contrôlée ou mesurée. Elle n’a pas été harmonisée dans certains domaines clés, tels que les données et les systèmes informatiques, pour répondre aux besoins des gouvernements.

À une époque où l’on s’attend à des restrictions budgétaire de la part des gouvernements, une priorité essentielle devrait être accordée à la mise en place d’une capacité institutionnelle essentielle, mise à jour et prête à affronter la prochaine crise.

Recommandation 1 : Rééquiper et réinvestir dans l’infrastructure numérique et informatique de la fonction publique

L’érosion lente des fondements du service public — ressources humaines, infrastructure informatique, formation et politiques d’approvisionnement — entrave sa capacité à réagir de manière innovante et responsable. Si nous voulons que nos institutions soient résilientes, nous devons investir dans leurs fondations.

Plusieurs panélistes ont souligné que la fonction publique n’avait pas la capacité interne de réaliser des travaux essentiels et qu’elle dépendait de consultants externes pour combler ces lacunes. Qui plus est, de nombreux systèmes physiques utilisés par la fonction publique ont atteint la fin de leur vie utile. Dans les résumés des tables rondes de la partie II, nous avons donné l’exemple des systèmes qui sous-tendent l’assurance-emploi.

Il est nécessaire de réinvestir dans ces systèmes. Or, alors que nous entrons dans une période de restrictions budgétaires et de nouveaux choix fiscaux, il y a toutes les chances que cela soit reporté. D’un point de vue politique, il ne s’agit jamais de choix de dépenses attrayants. Investir dans le fonctionnement interne de l’administration ne permet pas de gagner des votes en période électorale. Mais il est essentiel de le faire pour assurer une bonne prestation des programmes et rendre les procédures internes de l’administration plus efficaces et plus productives — ce que les citoyens apprécient. Il sera plus facile de répondre à la prochaine crise si nous savons que les systèmes nécessaires ont été construits pour le siècle qui nous attend, pas celui qui est derrière nous.

Les gouvernements doivent donc investir dans l’infrastructure physique et technologique de la fonction publique. Toutefois, il ne suffit pas d’injecter de l’argent dans les systèmes informatiques, il faut également repenser la manière dont ils sont gérés et mis en œuvre.

La mise à jour et la transformation de systèmes et procédures installés de longue date ne sera pas une tâche facile. De nombreuses solutions ont été identifiées à maintes reprises par des voix internes et externes sans qu’il n’y ait de suivi important. Comme l’a expliqué Sean Boots, ancien fonctionnaire fédéral, lors de la conférence 2023 FWD50, le fait de se contenter de changements progressifs — au lieu de changements plus courageux et révolutionnaires — a fait que le Canada a pris du retard par rapport à d’autres pays en matière de prestation de services publics. « Au Canada, nos procédures et notre culture organisationnelle dressent une multitude d’obstacles qui empêchent de faire les choses différemment, et les processus découlant du statu quo continuent d’échouer encore et encore », a noté M. Boots (FWD50, 2023).

Un engagement fort et partagé aux niveaux des politiciens et des hauts fonctionnaires est nécessaire pour relever ces défis systémiques. Pour lancer ce processus et lui donner l’élan nécessaire, le gouvernement fédéral doit confier à un ou plusieurs experts externes respectés dans le domaine de la prestation de services publics le soin de procéder à un examen approfondi et transparent des systèmes informatiques et de l’architecture décisionnelle de la fonction publique, afin de compléter les efforts internes actuels. Un tel examen aurait trois objectifs : premièrement, une meilleure prestation de services pour les Canadiens ; deuxièmement, un renforcement des compétences et des capacités internes de la fonction publique ; et troisièmement, une transformation plus rapide et plus profonde des services numériques sur l’ensemble des plates-formes gouvernementales. Le Royaume-Uni a entrepris un tel examen en 2010 — le Fox Review —, qui est devenu la genèse d’un service public embrassant l’administration numérique.

Une fois obtenus les résultats de cet examen, un ministre fédéral de premier plan doit recevoir le mandat de mettre en œuvre les changements nécessaires dans l’ensemble du gouvernement. Les changements radicaux nécessaires à l’architecture numérique et de gestion nécessiteront l’appui total du cabinet du premier ministre et du Bureau du Conseil privé, ainsi que l’aide d’un « Directeur de la transition numérique » doté des mêmes pouvoirs. Cette approche pourrait s’inspirer de celle du Royaume-Uni, où Sir Francis Maude a conduit des changements de grande ampleur en tant que Minister for the Cabinet Office il y a plus de dix ans.

Recommandation 2 : Créer des voies de partage de données plus intégrées et plus efficaces

Tout au long de la conférence, un large consensus s’est dégagé sur la valeur du partage des données pour les décideurs, le secteur public, le monde universitaire, les responsables communautaires et le grand public. Un consensus s’est également dégagé sur le fait que ce partage de données entre gouvernements constituait un défi majeur pour la capacité du Canada à répondre à la pandémie de COVID-19 et à prendre des décisions clés.

Le labyrinthe des règles qui constituent nos structures de gouvernance des données est déroutant et le parcourir est une entreprise de longue haleine. Il n’existe pas de règles universellement reconnues, de sorte que ceux qui souhaitent accéder à des données pan-canadiennes doivent souvent investir des ressources et du temps pour récupérer ces données auprès de 13 gouvernements différents, avec 13 réglementations différentes. Lorsque le temps est compté, cette situation est loin d’être optimale.

Le principal obstacle à un meilleur partage des données n’est pas d’ordre technologique ou lié à la protection de la vie privée. Il est culturel. La réticence à partager les données est ancrée dans nos institutions. Le présent rapport n’est pas le premier à soulever cette question. Tout récemment, un rapport d’un groupe d’experts du Conseil des académies canadiennes (CAC), parrainé par Santé Canada, est parvenu à des conclusions similaires (Conseil des académies canadiennes, 2023).

Les panélistes ont souligné qu’une partie de l’obstacle culturel et politique au partage des données réside dans le fait que les gouvernements provinciaux craignent que leurs informations sur les soins de santé soient politisées et utilisées contre eux. Par conséquent, un meilleur système de partage des données ne devrait pas être dirigé par le gouvernement fédéral et devrait être distinct de tout mécanisme de responsabilisation lié au financement fédéral, à l’exemple des exigences en matière de déclaration des données que contiennent les récents accords fédéral-provincial-territorial (FPT) dans le domaine des soins de santé (voir Graefe et Fiorillo, 2023). Comme le CAC, nous pensons qu’une approche nationale du partage des données de santé ne peut être couronnée de succès si elle dépend uniquement de l’autorité du gouvernement fédéral. En cela, nous nous démarquons du groupe d’experts qui a recommandé dans le British Medical Journal (Bubela et autres, 2023) que le gouvernement fédéral force les gouvernements à partager les données pour la préparation à la pandémie.

Il existe des exemples de réussite partielle dans le domaine du partage des données, comme l’ICIS. Ce dernier dispose d’une structure de gouvernance en mesure d’atténuer les préoccupations des provinces et de l’expertise nécessaire pour jouer un rôle élargi dans l’infrastructure de production et de partage des données du pays. Nous pensons qu’un rôle élargi de l’ICIS ou d’une organisation similaire consacrée au partage des données est une meilleure option que celle qui place le gouvernement fédéral au centre. Cependant, les provinces doivent s’engager pleinement. Il ne s’agit pas seulement de partager des données pour les comparer une fois par année. Il s’agit d’établir des voies qui permettent le partage en temps réel de données telles que les données épidémiologiques nécessaires pour répondre à une crise telle que la pandémie de COVID-19.

Recommandation 3 : Examiner systématiquement les procédures et les structures activées pendant la pandémie

Un exercice essentiel que chaque ordre de gouvernement devrait entreprendre est d’examiner systématiquement les procédures et les structures mis en œuvre pendant la pandémie et déterminer comment ils ont fonctionné à trois niveaux : renforcement des capacités, facilitation de la prise de décision et engagement auprès de la population.

Un deuxième exercice devrait consister à déterminer si ces processus et structures doivent devenir des éléments permanents d’institutions plus résilientes et d’un gouvernement plus innovant et plus réactif, ou s’ils peuvent être activés rapidement lorsque la situation l’exige. Les exploiter en vue d’applications futures en cas d’urgence est une bonne chose ; les examiner en vue d’applications présentes pour construire une réponse gouvernementale améliorée est encore mieux.

Par exemple, de nombreux gouvernements ont mis en place un comité central pandémique ou un comité de coordination pandémique, regroupant souvent les sous-ministres des ministères concernés et d’autres fonctionnaires. Ces comités n’avaient pas tous la même structure ni le même mandat d’un gouvernement à l’autre. Certains étaient peut-être plus aptes à produire une réflexion intégrée et à relier les considérations de santé publique aux retombées sociétales et économiques plus larges, ce qui, selon les participants à la conférence, faisait souvent défaut.

Il est essentiel d’examiner ce qui a bien fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné au sein de ces organes de coordination centraux pour pouvoir répondre aux crises futures. Idéalement, cet exercice devrait permettre de dégager les meilleures pratiques et de tirer des conclusions qui peuvent être partagées par tous les ordres de gouvernement. En d’autres termes, cet exercice devrait permettre de tirer des enseignements au sein de chaque gouvernement et entre les différents ordres de gouvernement.

Au moins une partie de ce travail a déjà été effectuée. Par exemple, le vérificateur général de l’Ontario a enquêté sur la gestion de l’urgence pandémique par la province, soulignant les lacunes et déterminant les meilleures pratiques dans d’autres provinces. Mais le rapport recommande également à la province de « déterminer les changements nécessaires pour rendre sa structure d’intervention provinciale aussi efficace que possible, et de les mettre en œuvre » (Bureau du vérificateur général de l’Ontario, 2020, p.34). En d’autres termes, le plus dur reste à faire.

Répétons-le : ces exercices doivent être réalisés systématiquement au sein des gouvernements et les conclusions doivent être largement partagées avec les hauts fonctionnaires à tous les niveaux.

La COVID-19 a constitué un défi de taille non seulement pour les Canadiens, mais aussi pour le fédéralisme en tant que tel. Aucun gouvernement n’avait la compétence ou la capacité nécessaire pour réagir seul. Chaque gouvernement avait un rôle à jouer, mais il fallait de la collaboration, de la coopération et de la coordination. Au quotidien, nous avons constaté que les actions et les objectifs communs pouvaient être atteints, mais que cette situation était difficile à maintenir. Il est facile de se réunir régulièrement sur une durée de six mois, mais pas sur une durée de deux ans. Lorsque nous envisageons le fédéralisme, il ne faut pas espérer que les défis à venir soient limités dans l’espace et dans le temps.

Un des enseignements à tirer de la crise est que les institutions intergouvernementales qui entourent le fédéralisme peuvent fonctionner. Mais le processus est resté principalement piloté par le fédéralisme exécutif, dirigé par les premiers ministres eux-mêmes. Ils se sont réunis plus souvent au cours du premier mois de la pandémie qu’au cours des deux années précédentes. Or, il ne peut s’agir d’un mécanisme durable ou particulièrement efficace, étant donné sa nature hautement personnelle et politique. En outre, ce processus hautement exécutif est par définition exclusif, se limitant aux deux ordres constitutionnels de gouvernement — fédéral et provincial/territorial — en excluant les administrations municipales et les gouvernements autochtones qui ont joué un rôle essentiel dans la lutte contre le virus.

Une des vertus les plus durables du fédéralisme canadien est sa souplesse et sa capacité d’innovation. Historiquement, les gouvernements infranationaux adoptent des approches différentes sur une même question. Les Canadiens acceptent généralement cet état de fait, laissant les divergences d’opinions au processus politique. Mais quelle est la place des pandémies dans ce scénario ? Étant donné que la responsabilité de la prestation des soins de santé incombe aux gouvernements provinciaux, les premiers ministres avaient un argument de taille pour affirmer qu’ils étaient en première ligne des mesures d’intervention et d’urgence. Mais pour le virus, la ligne de front était mondiale et non locale, nationale et pas seulement provinciale. Agir de concert était un outil essentiel pour tenir le coronavirus en échec. Une orientation nationale claire et opportune était essentielle. Avec de multiples tables intergouvernementales, associées à de multiples mutations du virus, il s’est avéré difficile de produire ces orientations à long terme et encore plus de les maintenir.

La pénurie de vaccins au cours de la première partie de l’année 2021 a accentué les divisions. Les formules fédérales d’attribution des vaccins aux provinces et aux territoires se sont avérées équitables, mais il n’a pas fallu longtemps pour qu’apparaissent des tableaux de bord quotidiens indiquant qui avait administré le plus de vaccins semaine après semaine. La concurrence a remplacé la coopération, les gouvernements s’efforçant d’obtenir toujours plus de doses, toujours plus rapidement pour leurs populations.

Durant cette période, l’infrastructure fédérale sous-jacente s’est maintenue, en particulier dans le domaine des soins de santé. Les accords de coopération préexistants dans le domaine de la santé ont été appliqués pour transférer les patients d’une province ou d’un territoire à l’autre, afin de faire face aux débordements. Le personnel médical d’une province a apporté son aide à d’autres provinces en fonction des fluctuations du virus. Le traçage génomique des nouvelles souches virales a été rapidement partagé entre les unités de santé publique FPT. Certaines leçons du SRAS-1, au début des années 2000, ont été clairement tirées, et nous espérons que d’autres le seront également aujourd’hui.

Recommandation 4 : recenser les structures intergouvernementales qui ont fonctionné

Tel qu’indiqué plus haut, la réponse à la COVID-19 comportait une composante intergouvernementale cruciale. Toutefois, cet aspect de la réponse n’est pas couvert par les examens et les rapports produits par les différents gouvernements, comme ceux réalisés par les vérificateurs généraux, par exemple.

Pourtant, dans ce domaine, peut-être plus que dans tout autre, il est important d’identifier les processus et les structures qui ont le mieux fonctionné. Compte tenu de la centralité de la coopération FPT dans une situation d’urgence sanitaire, cela semble évident. Par exemple, il faudrait procéder à un examen opérationnel approfondi des différents comités et groupes de travail qui faisaient partie du plan d’intervention FPT en matière de santé publique en cas d’événements biologiques. Étaient-ils tous équipés de la même manière pour faire leur travail ? Un format a-t-il mieux fonctionné qu’un autre ? Les mêmes questions se posent pour les tables existantes ou les conférences des sous-ministres FPT : Comment ont-elles fonctionné ? Qu’est-ce qui a été utile en période de crise et qu’est-ce qui ne l’a pas été ?

Le principal problème est de savoir qui doit faire ce travail. Ces processus ont été très peu examinés dans les différents ordres de gouvernement, comme l’a montré notre examen des rapports dans la première partie, principalement parce que l’on ne sait pas très bien qui doit ou peut faire ce travail. En tant qu’institution, le Conseil de la fédération (CDF) n’en a ni le mandat ni la capacité. Fonctionnant par consensus à la limite de l’unanimité, il faudrait que les 13 premiers ministres dirigent une telle étude. Et même dans ce cas, historiquement, le CDF ne s’est pas engagé dans de telles études qui pourraient d’une manière ou d’une autre donner lieu à des critiques involontaires, affecter le pouvoir d’action des provinces ou les limiter institutionnellement.

Néanmoins, le fédéralisme canadien bénéficierait d’un résumé des efforts de collaboration ou de coordination entre les provinces et les territoires — qu’ils aient impliqué ou non le gouvernement fédéral. Une étude similaire menée par le gouvernement fédéral présenterait des avantages, mais un examen FPT conjoint serait le meilleur scénario possible. La formule idéale consisterait probablement en un consortium d’experts universitaires, de spécialistes des politiques publiques et d’anciens fonctionnaires, dont la mission et le financement seraient assurés par les gouvernements fédéral et provinciaux. Un groupe de travail de ce type est essentiel pour consolider nos procédures intergouvernementales, en particulier à l’échelon ministériel.

Il est impossible de prédire la prochaine crise, mais nous pouvons aisément prédire qu’elle nécessitera une coopération intergouvernementale. Ainsi, nous devons nous assurer que nous tirons les leçons de la COVID-19 et que nous activons des mécanismes utiles lorsque la coopération et la coordination sont nécessaires.

Recommandation 5 : Rendre les relations intergouvernementales plus inclusives

Au Canada, les relations intergouvernementales sont fortement « dirigées par l’exécutif », ce qui signifie qu’elles sont dominées par des discussions au plus haut niveau. C’était encore plus vrai pendant la pandémie, lorsque la dimension nationale de la réponse canadienne était déterminée lors des réunions hebdomadaires entre les premiers ministres.

Nous avons entendu dire à plusieurs reprises au cours de la conférence que d’autres acteurs importants de la réponse à la pandémie ont été laissés à l’écart de ce processus et/ou qu’on leur a dit ce qu’il fallait faire après-coup, sans qu’ils aient eu le temps d’apporter une contribution significative. Parmi ces acteurs, deux d’entre eux ­— les municipalités et les gouvernements autochtones – méritent une attention particulière. Nous examinons les gouvernements autochtones plus en détail dans la recommandation 6, compte tenu de leur statut constitutionnel unique.

L’inclusion des municipalités dans les relations intergouvernementales pendant la pandémie a varié d’une province à l’autre, reposant souvent sur le lien personnel entre les premiers ministres et les maires. Or, un tel système n’est pas viable pour l’avenir. Nos institutions doivent reconnaître que le rôle des municipalités dans la vie des gens et dans la fédération canadienne a évolué et doit être mieux reflété dans le fonctionnement des relations intergouvernementales.

Nous ne recommandons pas d’inclure les municipalités dans les forums formels existants de relations intergouvernementales, tels que les réunions des premiers ministres ou le Conseil de la fédération. Après tout, elles sont des créatures des provinces en vertu de la Constitution. Cependant, nous pensons que le cadre actuel des relations intergouvernementales doit innover et trouver d’autres moyens de les inclure dans ces discussions.

Il existe des recherches sur l’expérience internationale et des solutions potentielles (par exemple, Eidelman, 2020 ; Hachard, 2022). Nous sommes favorables à un travail comparatif plus poussé de la part des universitaires sur la manière dont d’autres fédérations ont inclus les municipalités dans les relations intergouvernementales, mais la pandémie a montré qu’il était temps de passer à l’étape suivante. Il faut aller de l’avant avec des initiatives concrètes et les gouvernements doivent essayer différentes voies.

Recommandation 6 : Développer et formaliser les relations intergouvernementales avec les gouvernements autochtones

Les gouvernements autochtones sont des gouvernements, pas des parties prenantes. Souvent, nos conversations nationales sur la fédération ne reconnaissent pas qu’il existe un autre ordre de gouvernement reconnu par la Constitution au Canada. Et trop souvent, comme ce fut souvent le cas pendant la pandémie, les gouvernements autochtones ont été traités comme des intérêts extérieurs faisant pression pour attirer l’attention, plutôt que comme des entités souveraines responsables de la santé et du bien-être de leurs citoyens.

Par exemple, nous avons entendu dire que l’inclusion des gouvernements autochtones dans le processus de prise de décision se faisait souvent tardivement, variait considérablement d’un contexte à l’autre et était plus ponctuelle que délibérée et durable. Il ne s’agit pas là d’une inclusion significative ni d’une réponse efficace et nécessaire sur le terrain.

Ce à quoi ressemble une inclusion significative devrait être déterminé, élaboré et mis en œuvre en coopération avec les gouvernements autochtones de tout le pays. Ces relations seront nécessairement asymétriques, comme le sont les relations FPT actuelles.

Il n’appartient pas aux auteurs de ce rapport de dire à quoi devraient ressembler les mécanismes de ces relations. Toutefois, le gouvernement fédéral doit au moins donner la priorité aux travaux relatifs à son plan d’action pour la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui rappelle que : « Les peuples autochtones ont le droit de participer à la prise de décision sur des questions qui peuvent concerner leurs droits ». En outre, le plan d’action s’engage à « Renforcer la mobilisation autochtone en améliorant les mécanismes bilatéraux avec les partenaires autochtones, améliorer les liens entre les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux et les représentants autochtones dans l’ensemble des systèmes de santé publique et de soins de santé » (Gouvernement du Canada, s. d.).

Donner une signification constitutionnelle appropriée et pratique à cette orientation permettrait d’atténuer la confusion et les dédoublements qui ont causé des difficultés pendant la pandémie.

Les personnes qui étaient en position de prendre des décisions pendant la pandémie devaient agir rapidement dans un environnement en constante évolution, où la complexité, le risque et l’incertitude étaient des facteurs déterminants. La pandémie a reculé, mais ces facteurs demeurent. Qu’il s’agisse de l’impact des changements climatiques ou de celui des guerres à l’étranger, de nombreux domaines politiques auxquels sont confrontés les gouvernements canadiens seront définis par un degré élevé d’incertitude et un risque accru de se tromper et de manquer des occasions. Ils doivent apprendre à mieux naviguer dans cet environnement crucial pour les politiques publiques.

Recommandation 7 : Intégrer une prise de risque positive aux procédures DE LA FONCTION PUBLIQUE afin de faire progresser les idées innovantes, d’améliorer la prestation de services et d’obtenir de meilleurs résultats

La nécessité urgente de répondre à la pandémie a obligé la fonction publique, habituellement peu encline à prendre des risques, à être plus innovante et imaginative. Cela signifiait que des décisions devaient être prises avec des informations incomplètes et des procédures de gouvernance court-circuitées. Rétrospectivement, certaines erreurs ont été commises, mais l’action et la réactivité étaient nécessaires et exigées des Canadiens.

Un rapport de décembre 2023 au greffier du Conseil privé sur les valeurs et l’éthique de la fonction publique a clairement identifié le problème de l’aversion au risque : « Les participants ont également discuté de la culture de l’aversion au risque qui existe dans la fonction publique lorsqu’il s’agit de donner des conseils francs ou des opinions dissidentes. Ils ont noté que la culture a des répercussions négatives sur la confiance entre les employés et la direction, sape la créativité et l’innovation et diminue le niveau de confiance global envers le système. » (Gouvernement du Canada, 2023d)

Malheureusement, un commentaire que nous avons entendue à maintes reprises au cours de la conférence et dans d’autres conversations entourant la préparation de ce rapport, c’est que la fonction publique est déjà en train de « revenir » aux anciennes façons de faire. Permettre que cela se produise reviendrait à une occasion manquée. Les gouvernements doivent trouver le moyen d’institutionnaliser la prise de risque positive dans les processus de prise de décision et de gouvernance. Les participants à la conférence ont appris que les relations entre les fonctionnaires et les élus étaient devenues plus fluides pendant la pandémie et qu’il y avait une communication plus ouverte sur les erreurs et sur la manière de corriger le tir. Nous devons réfléchir sérieusement à la manière dont nous pouvons continuer à favoriser ce type de dialogue et une culture commune de la fonction publique et de la politique ancrée dans la « possibilité d’émettre son avis sans crainte » et dans la « mise en œuvre loyale des directives ».

Réaliser ce type de changements n’est pas une tâche facile. Elle nécessite des transformations des systèmes et des changements culturels tant au niveau de la fonction publique qu’au niveau politique. Néanmoins, certaines solutions sont claires.

Tout d’abord, la prise de risque positive doit être encouragée au plus haut niveau de l’administration. Les sous-ministres, les cadres supérieurs et les gestionnaires doivent être soutenus par leurs collègues. Les ministres doivent assumer une plus grande responsabilité et rendre compte des décisions prises par leurs ministères. Le vérificateur général doit reconnaître les prises de risques imparfaites et ne pas les critiquer.

Deuxièmement, l’innovation, la prise de risque positive et l’agilité doivent être encouragées dans le cadre des procédures de gouvernance interne. Le Conseil du Trésor devrait exiger des différents ministères et agences qu’ils procèdent à une évaluation active et positive de ce qu’ils font et de leur manière de procéder afin d’identifier les obstacles et les ouvertures spécifiques. Cela inclut les procédures d’approbation, les contrôles financiers, les hiérarchies décisionnelles et d’autres facteurs. Il faut commencer par évaluer la manière dont chacun de ces éléments a été abordé différemment pendant la pandémie puis déterminer les changements qui pourraient être institutionnalisés en temps normal.

Il existe une reconnaissance claire et un désir pour cela au sein de la fonction publique. Une étude réalisée en 2022 par l’Institut sur la gouvernance et le Brian Mulroney Institute of Government a révélé que les hauts fonctionnaires, aux échelons fédéral et provincial, étaient « unanimes à vouloir conserver les procédures d’approbation rationalisés, les hiérarchies aplaties, l’assouplissement des contrôles administratifs, financiers et des ressources humaines, et l’utilisation d’équipes interdisciplinaires » (Institut sur la gouvernance et Brian Mulroney Institute of Government, 2022, p. 18). Il ne fait aucun doute que certaines des mesures de crise ne sont pas appropriées en temps normal, mais il y a des leçons à tirer sur la façon dont nos institutions du secteur public peuvent être plus légères et plus agiles pour permettre la prise de risque et l’innovation. Cela permettrait d’améliorer la prestation de services, ainsi que les résultats des politiques et des programmes pour les Canadiens.

Troisièmement, le débat et l’engagement au sein de la fonction publique doivent être activement encouragés afin de créer une culture positive de prise de risque. Le désaccord ou les opinions divergentes ne doivent pas être considérés comme une menace, un manque de loyauté ou un motif de représailles. Réfléchir à voix haute dans un espace sûr doit faire partie de la routine et être récompensé.

Recommandation 8 : Investir dans de nouvelles formations axées sur le leadership et les compétences opérationnelles qui ont été nécessaires et appréciées pendant la pandémie

Une chose que nous avons clairement entendue, c’est que la performance des institutions pendant la pandémie dépendait des personnes qui travaillaient sans relâche au sein de ces institutions. La résilience de nos institutions repose en premier lieu sur les connaissances et les compétences de nos fonctionnaires. Une deuxième chose que nous avons entendue est que les compétences classiques en matière d’administration publique, axées sur les procédures, n’étaient pas à la hauteur de l’ampleur et de l’imagination requises pour faire face à la pandémie. L’innovation, l’agilité, l’adaptabilité et la collaboration axées sur les résultats sont plus importantes et plus précieuses. Enfin, on nous a dit qu’il était nécessaire de redonner de l’importance à l’efficacité et à l’efficience des programmes et des services au niveau opérationnel. Pour les gouvernements provinciaux, plus proches des besoins de première ligne des citoyens, ce n’est pas nouveau. Pour le gouvernement fédéral, c’est plus difficile. Les difficultés rencontrées après la pandémie pour obtenir un passeport à temps ou pour transiter par les aéroports renforcent la nécessité d’accorder une plus grande attention et une plus grande valeur à cet aspect de la bonne gouvernance fédérale.

En investissant de manière proactive dans la formation des fonctionnaires à ces nouvelles compétences essentielles, nos institutions publiques seront plus résilientes et mieux équipées pour naviguer et prospérer dans un environnement où le risque, l’incertitude et la complexité continueront de régner.

Plus précisément, nous recommandons au gouvernement d’investir dans des programmes et des cours de développement des compétences pour les dirigeants et les cadres dans les domaines clés suivants :

  • Gouvernance collaborative : Étendre le contact et la collaboration à travers le gouvernement et les parties prenantes externes pour concevoir et mettre en œuvre des politiques et des programmes plus efficaces.
  • Prise de risque positive et innovation : Déterminer et évaluer les instances où la prise de risque peut être intégrée de manière proactive à la prise de décision et à la prestation de services.
  • Prospective et planification stratégiques : Renforcer les capacités à large horizon pour savoir quels sont les problèmes, les risques et les occasions à prendre en compte à plus long terme.
  • Gestion de projet : Améliorer les compétences techniques et de gestion pour la réalisation de grands projets, en particulier pour la transformation des systèmes informatiques, numériques et de données.

Les dirigeants des organisations doivent se faire les champions de cette transformation. Investir dans la formation au développement du leadership est essentiel pour garantir que nos fonctionnaires disposent des outils nécessaires pour accomplir les tâches requises. C’est essentiel pour construire la fonction publique dont nous avons besoin, et pas seulement maintenir celui que nous avons.

Recommandation 9 : Apprendre à communiquer l’incertitude et la complexité des politiques aux Canadiens

Un participant à la table ronde a indiqué que l’intégration d’un spécialiste de la communication au sein des différentes équipes scientifiques et de santé publique aurait été utile pour élaborer des messages plus clairs. Servons-nous de cette recommandation pour amener notre réflexion ailleurs : il semble primordial que les gouvernements apprennent à mieux communiquer dans un climat d’incertitude. Cela commence par nommer l’incertitude auprès des citoyens lorsqu’elle se présente. Pendant la pandémie, les porte-parole ont trop souvent essayé de donner un sentiment de certitude, peut-être par prudence. Mais cela s’est retourné contre eux lorsque les données ont évolué et qu’il a fallu changer le message. L’évolution des recommandations au sujet du masque en est peut-être le meilleur exemple.

Les décideurs, en particulier ceux qui doivent transmettre des messages à la population, doivent avoir confiance en la capacité du public à supporter l’incertitude si celle-ci est communiquée correctement. La transparence en matière d’incertitude et de compromis renforce la confiance, comme le montrent les recherches de spécialistes du comportement tels que Michael Bang Petersen (Bang Petersen et autres, 2021).

Il faut donc intégrer des spécialistes de la communication à ces équipes, mais pas pour rédiger un message qui donnera une bonne image du gouvernement. Ce qu’il faut, ce sont des messages fondés sur des faits et des données, qui tiennent compte de la manière dont les gens gèrent l’incertitude sur le plan cognitif.

Nous demandons instamment aux autorités de santé publique et aux gouvernements en général d’investir des ressources dans ce domaine. Ils doivent financer la recherche comportementale autour de ces questions, ainsi que consulter et embaucher des experts en comportement. Le programme de Fellowship de l’Unité de l’impact et de l’innovation du Bureau du Conseil privé (UII) est un bon exemple qui pourrait être imité par d’autres gouvernements.

Là aussi, les médias ont un rôle à jouer. La présentation formelle des deux côtés d’une question par des experts, associée à un réflexe immédiat des acteurs publics appelant à faire marche arrière nuit au public qui cherche à comprendre les problèmes et la manière dont il doit y répondre. L’évolution rapide et la dynamique changeante de la COVID-19 ont constitué une occasion parfaite d’éduquer le public, et pas seulement de rendre compte de l’actualité.

Il faut être un politicien ou un fonctionnaire courageux pour déclarer publiquement : « Je ne sais pas ». Pourtant, dans le cas de la pandémie, ils étaient vraisemblablement nombreux à être dans l’obscurité. Nous devons comprendre que lorsque des politiciens ou des experts font part de leur incertitude, ce n’est pas nécessairement synonyme d’indécision. Lorsque leur opinion sur une question évolue, cela ne signifie pas qu’ils avaient tort au départ ou qu’ils ont fait volte-face. Nous attendons des gouvernements qu’ils sachent des choses, mais il est à la fois déraisonnable et impossible d’attendre d’eux qu’ils sachent tout à la fois.

La manière dont l’incertitude est communiquée au public est déterminante pour le respect des règles et pour la confiance. Lorsque les responsables de la santé publique ont annoncé des changements dans les mesures de santé publique, tels que le port du masque, certains politiciens et médias ont immédiatement décrit cette annonce comme un retour en arrière, une maladresse et le signe d’une perte de confiance. Ce genre de déclaration ne fait pas avancer le débat. Ce n’est pas ainsi que fonctionne la science.

Des pandémies aux changements climatiques, la science, les données et les preuves sont toutes remises en question par des acteurs extérieurs aux gouvernements. Dans une démocratie, il faut s’y attendre. Mais elles sont également remises en question au sein des gouvernements par des fonctionnaires qui cherchent à en savoir plus sur les données et les preuves, et à les utiliser à bon escient dans le cadre des politiques publiques.

Les gouvernements et leurs hauts fonctionnaires doivent améliorer leur contact avec le public au sujet de ce qu’ils savent et ce qu’ils ne savent pas sur les questions complexes de politiques publiques. La dissimulation perçue d’informations ou les erreurs dans la communication des données scientifiques, des preuves et des compromis sapent inévitablement la confiance du public envers le gouvernement.

Le contexte décrit plus haut, marqué par l’incertitude, le risque et la complexité, doit également tenir compte de l’incidence de la pandémie sur le vivre ensemble. Ce fut un message clair lors de la conférence et un refrain constant dans ce rapport. La confiance a été perdue et nous ne pourrons pas faire face à la prochaine crise si nous ne la rebâtissons pas. Il existe deux facteurs essentiels pour rétablir cette confiance : la transparence et la reddition de comptes.

Recommandation 10 : créer un groupe de travail pancanadien pour lutter contre la désinformation

Le gouvernement fédéral s’est penché sur la nature et les effets de la désinformation, plus que n’importe quel gouvernement régional ou local. C’est logique, étant donné que le gouvernement fédéral dispose de plus de ressources fiscales et humaines pour mener à bien ce travail. Par exemple, l’UII du Conseil privé a mené d’importantes recherches de pointe par le biais d’enquêtes à grande échelle sur la confiance et la désinformation.

Cependant, pour maximiser ses retombées, cette recherche doit être partagée avec les autres ordres de gouvernement de manière régulière et efficace. Tous les autres gouvernements doivent collaborer avec le gouvernement fédéral pour la collecte et l’analyse des données. Comme c’est le cas pour tout autre défi politique complexe, des données valides, complètes et à jour sont essentielles pour diagnostiquer correctement les problèmes et trouver les solutions potentielles. Les gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones doivent être inclus le plus tôt possible au processus fédéral de collecte de données afin de pouvoir contribuer à cerner les facteurs pour lesquels nous avons besoin de plus d’informations. Il s’agit notamment de savoir quels sont les sujets propices à la diffusion de fausses informations et quels sont les facteurs qui conduisent à l’augmentation de la désinformation. Après tout, les collectivités locales et régionales sont plus fréquemment en contact avec les membres du public, par le biais de la fourniture de programmes et de services. Ces gouvernements ont plus régulièrement l’occasion de comprendre comment la désinformation touche le public et en quelles instances les gouvernements peuvent aider à combler les lacunes en matière d’information.

Peut-être plus important encore, ils sont plus susceptibles de subir les effets d’une désinformation ou d’une mésinformation du public parce qu’ils communiquent plus souvent directement avec leurs résidents, que ce soit au sujet de programmes et de politiques, de services, d’annonces de santé publique ou de tout autre élément impliquant des preuves ou des données scientifiques.

Il en va de même pour les connaissances et les meilleures pratiques en matière de comportement. Les recherches ont montré que de nombreuses interventions comportementales ont bien fonctionné pendant la pandémie, tandis que d’autres ont échoué (Ruggeri et autres, 2023). La multiplication de ces recherches au sein des gouvernements et leur diffusion plus systématique dans l’ensemble des gouvernements permettraient de faire face aux futures crises qui nécessiteront des interventions similaires.

C’est pourquoi nous pensons qu’il est nécessaire de créer un groupe de travail pancanadien sur la désinformation, composé de représentants de tous les ordres de gouvernement. Il permettrait d’acquérir et de partager des données sur les déterminants de la vulnérabilité à la désinformation, sur les sources de désinformation et sur les moyens dont disposent les gouvernements pour lutter contre ce problème par le biais d’un partage efficace d’informations exactes et objectives. En outre, le groupe de travail pourrait contribuer à trouver les moyens de cultiver la culture civique afin que les citoyens soient plus à même de pratiquer l’« autodéfense civique » de manière proactive et de rejeter la désinformation. Le groupe de travail pourrait aider à institutionnaliser la manière dont les données sont partagées entre les gouvernements, en veillant à ce que ceux qui ont le plus besoin de ces connaissances y aient accès. Le Canada compte de nombreux experts dans ce domaine et ce groupe de travail pourrait servir de mécanisme pour réunir ces experts et intégrer leurs travaux au processus politique.

Recommandation 11 : Établir des relations inclusives et significatives avec les dirigeants de la société civile avant qu’une crise ne frappe

Qu’il s’agisse du travail effectué par les médecins de la communauté sud-asiatique de Brampton ou par les dirigeants et organisations autochtones dans les régions éloignées ou en milieu urbain, les gens ont fait confiance aux messages émanant des dirigeants de leur propre communauté. Le problème, c’est qu’il a fallu du temps pour que les parties prenantes et les décideurs établis fassent confiance à ces leaders et leur donnent les moyens nécessaires pour accomplir leur part du travail. La confiance est une voie à double sens. Si les gouvernements ne font pas confiance aux dirigeants des communautés, pourquoi l’inverse serait-il vrai ?

La pandémie a montré clairement qu’en cas de crise, on ne peut pas compter sur les gouvernements pour tout faire. Ils doivent pouvoir compter sur les gens qui sont sur le terrain. La réactivité de la communauté est importante en cas de crise, et les dirigeants de la société civile qui peuvent y parvenir doivent être soutenus. Les élus fédéraux, provinciaux et municipaux, ainsi que les hauts fonctionnaires, doivent investir dans ces relations dès maintenant et trouver un moyen de construire un modèle de gouvernance plus horizontal que vertical. L’engagement et la collaboration avec les parties prenantes externes pour concevoir et mettre en œuvre des politiques et des programmes plus efficaces doivent être une priorité.

Il s’agit d’un travail continu. Ces canaux sont beaucoup plus faciles à activer lorsqu’ils ont été développés au fil des ans.

Recommandation 12 : LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL DOIT INITIER un vaste examen pancanadien des enseignements tirés de l’expérience

Notre conférence a été le premier événement public à se pencher sur les leçons de la pandémie. Mais ce n’est pas suffisant. Dans leur désir d’aller de l’avant, les gouvernements ont hésité ou n’ont tout simplement pas voulu rendre compte publiquement de la manière dont ils ont réagi à la pandémie de COVID-19. Il est facile de comprendre pourquoi. Les émotions restent vives pour de nombreux Canadiens, tandis que d’autres souhaitent simplement tourner la page. Les gouvernements sont donc réticents à retourner toutes les pierres.

Il s’agit toutefois d’une vision à court terme. En effet, il est utile d’examiner systématiquement la manière dont nos institutions publiques se sont comportées pendant la crise sanitaire la plus exigeante de notre époque. Nous reconnaissons que plusieurs gouvernements ont entrepris une certaine forme d’examen, comme nous l’avons exposé dans la partie I. Le gouvernement fédéral, quant à lui, a mené ses examens au sein de la fonction publique dans divers ministères, notamment à Santé Canada, et a déjà commencé à mettre en œuvre des améliorations. Les vérificateurs généraux ont réalisé diverses études sur la reddition de compte, conformément à leur optique rétrospective sur les procédures gouvernementales, la gestion et l’optimisation des ressources.

Cependant, aucun n’a envisagé une perspective pangouvernementale ou pancanadienne. On ne peut compter sur aucun d’entre eux pour tirer de véritables leçons pour nos institutions publiques. Même s’ils sont utiles sur le plan interne, rien ne prouve qu’ils seront suffisants, que ce soit par leur portée, leur profondeur ou la confiance qu’ils inspireront.

Toute forme d’examen public de questions controversées comporte toujours des risques. Outre le risque politique pour les gouvernements en place, qui fait que nombre d’entre eux hésitent à aller de l’avant, ces examens peuvent devenir des paratonnerres pour la désinformation concernant les décisions et les moments les plus polémiques de la pandémie. Rien ne garantit que nos acteurs politiques traiteront le processus de manière responsable. Les divisions actuelles du pays pourraient s’aggraver. Rien de tout cela ne servirait les intérêts des Canadiens.

Mais l’autre solution ne sert pas non plus les intérêts des Canadiens. Ne pas examiner les performances de nos institutions publiques et s’abstenir de dire honnêtement aux Canadiens ce qu’il faudrait faire, a un parfum de médiocrité et de fatuité. Cela réduit la confiance du public au lieu de l’augmenter. Adopter cette attitude, c’est accepter la méfiance du public et ne rien faire pour la confronter aux faits à un moment où un niveau élevé de méfiance est en soi une des conséquences de la pandémie.

Nous pensons qu’un examen public par les gouvernements de la manière dont les institutions publiques ont fonctionné et des leçons qui peuvent en être tirées est manifestement dans l’intérêt public, malgré certaines réserves.

Premièrement, un tel examen ne doit pas être une simple occasion de pointer du doigt. Cela ne ferait que rouvrir de vieux griefs et de vieilles rancœurs, et ne ferait pas progresser l’apprentissage. Cela entraverait également le partage d’informations et les témoignages utiles, au lieu de les encourager.

Deuxièmement, il ne s’agit pas de regarder vers le passé, mais vers l’avenir. Une enquête qui met en lumière des décisions spécifiques à des moments précis afin d’établir une « vérité » officielle n’a aucune valeur réelle. L’intérêt est de savoir comment et pourquoi nos institutions publiques ont fonctionné d’une certaine manière et comment elles peuvent être améliorées.

Troisièmement, il ne faut pas parler d’enquête mais bien d’examen. Et cet examen devrait être mené par des experts. Il ne s’agit pas de dénicher des actes répréhensibles. Aucun principe, aucune décision judiciaire ne sont en jeu, contrairement à ce que suggère le terme « enquête ». En outre, les enquêtes formelles sont des affaires longues et coûteuses qui peuvent frustrer le public, sapant ainsi la valeur réelle du processus.

Voici cinq éléments clés que nous recommandons pour un tel examen. Il doit être :

  • Ciblé : sur les performances des institutions publiques dans l’ensemble des gouvernements, et pas seulement sur le système de santé ;
  • Collaboratif : La réponse du Canada à la pandémie a impliqué tous les gouvernements, ainsi, tous les gouvernements doivent avoir un rôle à jouer. Mais l’initiative devrait venir du gouvernement fédéral ;
  • Public : Organiser des audiences au cours desquelles les responsables communautaires et les personnes ayant participé aux opérations sur le terrain pendant la pandémie peuvent écouter et donner leur point de vue ;
  • Indépendant : financé par le gouvernement, rendant compte publiquement au gouvernement, mais géré et mené de manière autonome ;
  • Expert : dirigé par un ou plusieurs éminents Canadiens ayant une expérience de la fonction publique en dehors de toute politique partisane, avec le soutien d’un groupe de trois à cinq experts en matière de santé et de gouvernance.

Le mandat de cet examen doit être le suivant :

« Examiner et rendre compte publiquement, dans un délai de deux ans, de la manière dont les institutions de santé et de gouvernance publiques du Canada ont fonctionné pendant la pandémie de COVID-19 et en tirer des leçons pour améliorer la préparation, la résilience et la performance de la fonction publique, pour le bénéfice des Canadiens. »

D’une certaine manière, nous proposons quelque chose qui n’a jamais été fait, à savoir que les gouvernements, sous la direction du gouvernement fédéral, créent un groupe mixte chargé d’examiner les performances institutionnelles. La pandémie a constitué un défi sans précédent et nous pensons qu’elle demande un examen comme nul autre auparavant.

Conclusion

Vous n’avez peut-être pas entendu parler de lui, mais le Dr Raj Grewal est l’un des héros de la réponse canadienne à la pandémie de COVID-19. Médecin urgentiste, Grewal a assisté avec frustration en 2020 à la dévastation par le virus de la ville de Brampton, en Ontario, où il a grandi, alors que les institutions régionales et provinciales semblaient incapables de faire face à la crise.

« Ma communauté brûlait, il fallait faire quelque chose », a-t-il déclaré lors d’une table ronde organisée dans le cadre de notre conférence de juin 2023. (Le Dr Grewal a accepté que ses propos soient consignés dans le verbatim de l’événement.)

Le Dr Grewal et un groupe de médecins se sont réunis pour former la South Asian COVID Task Force. Grâce à un lobbying intense et à leur ingéniosité, ils ont mis en place l’un des plus grands sites de tests du pays et ont réussi à vacciner 100 000 personnes.

Brampton est une communauté caractérisée par des foyers multigénérationnels et par des travailleurs qui n’ont pas la possibilité de s’isoler chez eux ou d’éviter les transports en commun. Le groupe de travail s’est adressé aux médias des communautés culturelles, a créé des vidéos de santé publique en pendjabi et a fait pression sur le gouvernement pour qu’il lui permette de créer des centres de vaccination dans des lieux où les habitants se sentent en sécurité, comme la salle de réception Embassy Grand.

L’histoire du Dr Grewal est certes une source d’inspiration, mais elle est aussi un signal d’alarme. Comme un de nos panélistes l’a déjà souligné : « On ne peut pas construire des institutions résilientes en s’appuyant uniquement sur le dévouement et l’héroïsme professionnel des fonctionnaires et des dirigeants communautaires. » Il est essentiel de trouver des moyens de renforcer nos institutions afin de lutter contre la prochaine crise, quand elle surviendra.

Ultimement, la réponse du Canada à la pandémie a reposé sur la gouvernance. La qualité de la réponse a reflété celle de nos institutions publiques. Cela signifie qu’il y a des enseignements clés à tirer sur la manière même dont les gouvernements prennent des décisions et sur les personnes qu’ils impliquent, sur le fonctionnement de notre fédération lorsque les gouvernements doivent travailler ensemble, et sur la manière dont l’information circule au sein des gouvernements et entre eux, ainsi que des gouvernements vers les citoyens.

Nous avons entendu clairement durant la conférence Institutions résilientes que certaines de nos institutions clés étaient mal équipées pour faire face à une crise qui nécessitait des canaux de communication solides et un partage de données sophistiqué, non seulement entre les gouvernements, mais aussi avec des communautés particulières aux besoins divers. Le présent rapport a replacé ces conversations dans leur contexte, a résumé les propos entendus et en a tiré ce que nous croyons être des leçons importantes.

En même temps, nous reconnaissons que nous ne faisons qu’effleurer la surface. Nombre de nos recommandations appellent à davantage d’efforts : il faudrait entre autres choses un groupe de travail sur la désinformation, un exercice d’identification des structures intergouvernementales qui ont fonctionné et, surtout, un examen national des enseignements à tirer de la pandémie, sous l’égide des gouvernements.

Les études et rapports futurs sur la réponse du Canada à la pandémie doivent aller au-delà de la dimension de santé publique. Oui, la pandémie était à la base une crise de santé publique. Cet aspect est important. Mais sa portée et son ampleur ont eu des répercussions sur l’ensemble de notre société et de notre économie. Une approche strictement sanitaire ne permettrait pas de tirer les leçons qui s’imposent. Il en va de même si l’on se concentre uniquement sur les dépenses publiques pendant la pandémie.

Nous communiquons ce rapport en tant qu’appel à l’action pour les gouvernements et la société civile afin qu’ils en fassent davantage maintenant avant que la tendance naturelle à « mettre cela derrière nous » ne s’installe. Il est essentiel que nos institutions publiques les plus importantes renforcent leur résilience afin d’être prêtes pour la suite des choses. Lors de la conférence, nous avons entendu affirmer haut et fort que ce débat était important, mais qu’il ne constituait qu’une première étape. Nous espérons que d’autres personnes liront ce rapport, agiront en conséquence et prendront les mesures qui s’imposent.

Annexe A – Rapports gouvernementaux sur la COVID-19

 

Annexe B: Programme de la conférence Institutions résilientes

LA PRISE DE DÉCISION DES AUTORITÉS DE SANTÉ PUBLIQUE PENDANT LA PANDÉMIE

Cette table ronde réunira des personnes qui ont joué un rôle clé dans la prise de décision en matière de santé publique pendant la pandémie. Les intervenants examineront comment les décisions ont été prises, si les structures et procédures de gouvernance existantes étaient suffisantes et comment de nouvelles ont été adoptées au fil du temps. Ils discuteront également des informations nécessaires à la prise de décision en période d’incertitude intense et de la manière dont les citoyens devraient être impliqués.

Panélistes

Helen Angus — PDG, AMS Healthcare

Stephen Lucas — Sous-ministre de la Santé, Santé Canada

Dr Shannon McDonald — Ancienne médecin principal pour l’Autorité sanitaire des Premières Nations

Fahad Razak — Interniste, Unity Health Toronto, épidémiologiste et professeur agrégé, Université de Toronto

Modérateur

David McLaughlin — Président et chef de la direction, Institut sur la gouvernance

LA PRODUCTION ET LE PARTAGE DE DONNÉES DANS LES RÉSEAUX CANADIENS DE LA SANTÉ

La pandémie a mis en évidence l’importance cruciale des données pour éclairer les décisions en matière de soins de santé et la nécessité d’améliorer le partage et l’utilisation des données dans tout le Canada. Cette table ronde réunira des experts pour examiner les leçons tirées de la pandémie sur le partage des données dans le système de santé et examiner comment les différents ordres de gouvernement pourraient mieux collaborer. La discussion portera sur les défis et les occasions uniques que présente la structure fédérale pour la production et le partage des données et proposera des solutions pour mettre en œuvre les meilleures pratiques et combler les lacunes révélées par la pandémie.

Panélistes

Dre Marcia Anderson — Doyenne de Santé des Autochtones, de la justice sociale et de la lutte contre le racisme et directrice des affaires universitaires autochtones à l’Institut Ongomiizwin-Indigenous de la santé et de la guérison de l’Université du Manitoba

Anil Arora — Statisticien en chef du Canada

Joanne Castonguay — Commissaire à la santé et au bien-être, Gouvernement du Québec

Glenda Yeates — Vice-présidente de la Société canadienne du sang

Modérateur

Rob Annan – Président-directeur général de Génome Canada

LES RELATIONS INTERGOUVERNEMENTALE PENDANT LA PANDÉMIE

La pandémie a été l’occasion d’une des périodes de relations intergouvernementales les plus intenses de l’histoire du pays. Cette table ronde invitera les décideurs à réfléchir et à partager leurs expériences concrètes de la pandémie. Elle permettra de mieux comprendre les défis et les possibilités qui se présentent pour les relations intergouvernementales en temps de crise. Les participants aborderont entre autres la question de la mise en œuvre des aspects des relations intergouvernementales qui ont bien fonctionné pendant la pandémie afin d’améliorer notre réponse aux crises futures.

Panélistes

Christiane Fox — Sous-ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Stephen McNeil — Ancien premier ministre de la Nouvelle-Écosse

Daniel Paré — Sous-ministre associé, Ministère de la Santé et des Services sociaux, Gouvernement du Québec

Kennedy Stewart —  Ancien maire de Vancouver et professeur agrégé à l’École de politique publique de l’Université Simon Fraser

Modératrice

Catherine Cullen — Reporter principale, CBC

IMAGINER UNE COMMUNAUTÉ FÉDÉRALE QUI FONCTIONNE

La pandémie a mis en évidence les forces et les faiblesses de la fédération canadienne. Réunissant des hauts fonctionnaires, des élus et des représentants du secteur privé, cette table ronde examinera comment nous pouvons améliorer la coordination et la collaboration entre les différents ordres de gouvernement afin de construire une fédération plus résiliente et plus réactive. Qu’est-ce que nos institutions actuelles font bien ? Comment peuvent-elles s’améliorer ? Comment pouvons-nous mieux tirer parti de l’expertise et des ressources de tous les ordres de gouvernement pour garantir une réponse efficace aux crises futures ? Il est essentiel que le Canada trouve réponse à ces questions afin d’être prêt à relever de futurs défis.

Panélistes

Jesse McCormick — Vice-président principal à la recherche, innovation et affaires juridiques, de la First Nations Major Projects Coalition

Carole Saab — Directrice générale de la Fédération canadienne des municipalités

Michael Vandergrift — Sous-ministre aux Affaires intergouvernementales, Gouvernement du Canada

Mike Gladstone — Directeur des affaires externes, Enbridge Canada

Coleen Volk — Ancienne sous-ministre des relations intergouvernementales et sous-ministre associée du Conseil exécutif du gouvernement de l’Alberta

Modérateur

Charles Breton — Directeur, Centre d’excellence sur la fédération canadienne

DISCOURS PRINCIPAL : CONSTRUIRE UN PAYS ADAPTABLE

Les pays qui veulent prospérer dans cette époque turbulente doivent être capables de s’adapter. Ils doivent être en mesure de reconfigurer leurs institutions publiques pour relever de nouveaux défis et répondre à l’évolution des attentes du public. Notre défi consiste à démontrer que les démocraties occidentales comme le Canada peuvent être aussi agiles sous pression que les systèmes autoritaires technocratiques comme la Chine.

Contrairement aux idées reçues, le Canada a de bons antécédents en matière d’adaptabilité. Son système gouvernemental s’est transformé au cours des quarante dernières années. Les caractéristiques distinctes de l’approche canadienne de la gouvernance, notamment l’investissement important dans la planification et le souci de protéger la sphère publique, ont permis au pays de répondre efficacement aux nouvelles conditions et idées au cours de cette période.

Cette capacité d’adaptation est toutefois désormais menacée. Nous nous sommes orientés vers une politique à court terme et avons désinvesti dans la planification. Les changements technologiques ont perturbé la sphère publique et nos services aux citoyens semblent moins agiles. Nous avons besoin d’un programme de réforme axé sur l’amélioration de notre flexibilité pour les décennies dangereuses à venir.

Intervenant

Alasdair Roberts – Professeur de politiques publiques, Université du Massachusetts à Amherst

LES SERVICES PUBLICS ET LEUR GOUVERNANCE

Réunissant des personnes expérimentées issues de l’intérieur et de l’extérieur de la fonction publique, cette table ronde se penchera sur la gouvernance et la prestation des services publics pendant la pandémie. Comment la fonction publique s’est-elle adaptée pendant la crise sanitaire ? De quelle manière la prestation de services a-t-elle changé ? La table ronde examinera les obstacles à l’adaptation et la manière dont ils ont été surmontés. Elle tirera des enseignements clés en matière de gouvernance afin d’améliorer les services aux citoyens.

Panélistes

Neil Bouwer — Professeur invité à l’École Max Bell de politiques publiques de l’Université McGill

Graham Flack — Secrétaire du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada

Lori Wanamaker — Vice-présidente de BC Hydro et ancienne greffière du gouvernement de la

Colombie-Britannique

Michael Wernick — Titulaire de la Chaire Jarislowsky en gestion du secteur public à l’Université d’Ottawa

LE RÔLE ET LES COMPÉTENCES DES FONCTIONNAIRES DE DEMAIN

À quoi ressemble l’avenir de la fonction publique et comment le passage au numérique pendant la pandémie a-t-il modifié la capacité des gouvernements à fournir des services ? Cette table ronde se penchera sur le service public de demain et sur la manière dont il peut être plus agile, plus adaptable et mieux tirer profit du numérique. Les discussions porteront sur les compétences et la formation dont les fonctionnaires canadiens auront besoin pour répondre aux exigences postpandémiques.

Panélistes

Amanda Clarke — Professeure agrégée, School of Public Policy and Administration, Université Carleton

Taki Sarantakis — Président, École de la fonction publique du Canada

Catrina Tapley — Ancienne sous-ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada

Ryan Adrosoff — PDG et fondateur, Think Digital

Stephen Harrington — Responsable national de la stratégie en matière de main-d’œuvre, Deloitte

Modératrice

Charelle Evelyn — Directrice de la rédaction, The Hill Times

LA RELATION DES CITOYENS AVEC LES INSTITUTIONS DURANT LA PANDÉMIE

En plus d’entendre ceux qui sont au cœur de la réponse à la pandémie, une analyse de cette réponse doit prendre en compte les points de vue et les expériences de la population dans son ensemble. Cette table ronde réunira des personnes ayant une connaissance concrète de la manière dont divers groupes ont été touchés par la pandémie. Elles examineront comment les institutions ont fonctionné pendant cette crise et détermineront comment nous pouvons faire en sorte que les voix et les expériences du public ne soient pas négligées dans le processus de prise de décision. L’événement nous permettra d’explorer des solutions pour des institutions plus efficaces et plus inclusives qui répondent mieux aux divers besoins des communautés.

Panélistes

Jocelyn Formsma — Directrice générale de l’Association nationale des centres d’amitié

Dan Kelly — PDG de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

John McAndrews — Directeur, Digital Society Lab, Université McMaster

Dr Raj Grewal — Médecin urgentiste à Hamilton et cofondateur de la South Asian COVID-19 Task Force

Modérateur

Charles Breton – Directeur, Centre d’excellence sur la fédération canadienne

LA CONFIANCE, LA COMMUNICATION ET LA PRISE DE DÉCISION

Cette table ronde réunira des élus, des commentateurs et des universitaires qui réfléchiront à la manière dont nos institutions démocratiques ont fonctionné pendant la pandémie, en se concentrant sur la confiance du public et la communication. Elle examinera la manière dont la confiance des citoyens peut être restaurée et comment améliorer la résilience de nos institutions démocratiques. L’événement a notamment pour but de favoriser une meilleure relation entre les élus, les gouvernements et les citoyens.

Panélistes

Sachi Kurl — Présidente, Institut Angus Reid

Isabelle Mondou — Sous-ministre de Patrimoine canadien

L’Honorable Erin O’Toole — Ancien chef de l’opposition officielle du Canada

Lori Turnbull — Directrice, École d’administration publique et professeure agrégée de sciences politiques, Université Dalhousie

Modératrice

Jennifer Ditchburn — Présidente et chef de la direction, IRPP

Reconnaissance territoriale

Monique Manatch

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