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La résidence temporaire au Canada : Portrait d’un statut à géométrie variable

Le Canada a enregistré une croissance significative du nombre de résidents temporaires au cours des dernières années. Sous ce même statut de résidence sont réunies des personnes aux conditions d’admission et de séjour qui varient grandement et qui sont soumises à des révisions fréquentes. Cette note offre une synthèse des principales catégories de résidence temporaire ainsi que des conditions qui leur sont associées.

La résidence temporaire est un statut à géométrie variable qui se décline en une multiplicité de règles changeantes. L’admission et le séjour des résidents temporaires au Canada sont conditionnés par des autorisations et des restrictions si hétérogènes qu’elles produisent des régimes de droits différenciés parmi les personnes à statut temporaire, avec des effets sur la société dans son ensemble.

De multiples catégories de résidence temporaire

Il existe trois statuts de résidence au Canada : la citoyenneté, la résidence permanente et la résidence temporaire. Les deux premiers octroient des droits similaires, avec quelques exceptions, la plus notable étant le droit de vote qui est réservé aux personnes citoyennes.

Le statut de résidence temporaire octroie des droits comparativement limités, notamment en ce qui a trait à l’emploi et l’accès aux services. Or, la population détenant ce statut au Canada a augmenté de manière importante depuis une quinzaine d’années. En 2025, elle est estimée à environ 3 millions de personnes alors qu’elle était de moins d’un million en 2010 (Statistique Canada, 2025; Citoyenneté et Immigration Canada, 2010). La résidence temporaire est désormais la principale voie d’admission des personnes immigrantes alors qu’auparavant elles étaient admises à titre de résidents permanents, ce qui constitue un tournant majeur dans les politiques d’immigration canadiennes.

Ce statut se subdivise en trois catégories de résidence : 1) les travailleurs temporaires, 2) les étudiants internationaux et 3) les personnes en demande d’asile et protégées1. Comme en fait état le graphique 1, en 2024, sur les 1,6 million de résidents temporaires admis au Canada, 89 % étaient des travailleurs temporaires (12 % avec le PTET et 45 % avec le PMI) ou des étudiants internationaux (32 %).

Le graphique plus bas montre que la résidence temporaire se subdivise en de nombreuses catégories qui définissent différentes conditions d’admission et de séjour, particulièrement pour les travailleurs temporaires. Ces catégories de résidence temporaire sont régies par le gouvernement fédéral. Toutefois, en vertu de l’accord Québec-Canada relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains de 1991, le Québec dispose de compétences particulières en immigration qui lui octroient certaines responsabilités de sélection dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET), telles que l’approbation des évaluations d’impact sur le marché du travail (EIMT) et la délivrance de certificats d’acceptation aux travailleurs temporaires du PTET.

Des conditions d’admission et de séjour hétérogènes

Trois facteurs principaux expliquent l’hétérogénéité des conditions d’admission et de séjour des résidents temporaires au Canada. Le premier et principal facteur est la catégorie de résidence temporaire, qui détermine les modalités d’obtention, d’usage et de renouvellement d’un permis de séjour.

Le second facteur relève de la province de résidence. Les provinces jouent un rôle déterminant dans les conditions de séjour des résidents temporaires en raison de leurs compétences exclusives en matière de santé, d’éducation et d’emploi, et de leurs responsabilités partagées avec le gouvernement fédéral en ce qui concerne l’immigration

Le troisième facteur tient au pays de citoyenneté des personnes à statut temporaire. En effet, certains pays ont conclu des ententes avec les gouvernements fédéral ou provinciaux qui prévoient des conditions d’admission et de séjour spécifiques pour leurs ressortissants.

Ces différents facteurs régulent les conditions associées au permis, mais aussi l’accompagnement familial, l’accès au marché du travail, aux études, ou encore à différents services publics.

Le tableau 1 présente une synthèse non exhaustive des conditions d’admissibilité à certaines catégories de résidence temporaire ainsi que des conditions associées à l’emploi. Le domaine de l’emploi est utilisé comme illustration de la diversité et de la complexité des règles qui régissent l’admission et le séjour des résidents temporaires.  Un exercice comparatif similaire aurait pu être réalisé pour d’autres domaines de droits ou de services, en tenant compte des spécificités de chaque province. Cette comparaison des conditions associées à l’emploi montre que les résidents temporaires sont assujettis à des autorisations et des restrictions très variables pour accéder et intégrer le marché du travail canadien.

Quelques implications de ce dédale de conditions

L’hétérogénéité des conditions d’admission et de séjour des résidents temporaires au Canada a plusieurs conséquences.

D’abord, elle est symptomatique d’une gouvernance fragmentée et volatile de l’immigration. En effet, les politiques et réglementations sont rarement le fruit d’une planification globale et à long terme de l’immigration, et se traduisent le plus souvent par des microréglages à la pièce touchant certains groupes de résidents temporaires.

Par exemple, plusieurs mesures ont été adoptées par le gouvernement fédéral au cours de la dernière année pour restreindre l’embauche de travailleurs temporaires par le biais du PTET ou pour limiter le nombre de permis de travail ouverts délivrés aux conjoints d’étudiants internationaux et de travailleurs temporaires.

De plus, on note une complexification des parcours migratoires des personnes au statut temporaire. Nombre d’entre elles souhaitent rester au Canada au-delà de leur permis initial et doivent naviguer des règles complexes et changeantes pour maintenir leur droit de séjourner, de travailler ou d’étudier. Il en résulte des trajectoires marquées par la succession de permis temporaires, un risque de perte de statut, et des transitions vers la résidence permanente plus difficiles, voire impossibles.

Le cas des étudiants internationaux l’illustre bien.  Alors que leur venue était, jusqu’à récemment, encouragée et facilitée, une succession de réformes fédérales et provinciales complexifient leur admission et leur séjour au Canada depuis 2024. Les demandes de permis d’études sont à présent plafonnées, conditionnées à la preuve de ressources financières plus élevées, tandis que les possibilités d’être accompagné par sa famille et d’obtenir un permis de travail post-diplôme ont été considérablement réduites. Nombre de ces personnes doivent ainsi reconsidérer leurs perspectives d’études et d’établissement au Canada.

Enfin, cet environnement réglementaire contribue à précariser les expériences des résidents temporaires au Canada.

D’une part, la précarité résulte des conditions très restrictives associées à certaines catégories de résidence qui empêchent par exemple de changer d’employeur et peuvent être associées à des abus, des difficultés à faire valoir ses droits et à améliorer ses conditions de travail et de séjour.

D’autre part, elle découle de la difficulté à naviguer cette architecture migratoire complexe pour maintenir un statut valide. Les changements fréquents de politiques permettant de travailler, d’étudier et de s’installer au Canada entraînent une grande incertitude et une difficulté à se projeter dans l’avenir. Ce contexte précarisant est très coûteux sur les plans financier et humain pour les personnes migrantes et favorise la mésinformation, les abus et les fraudes liées à l’immigration. Plus largement, il affecte aussi leurs familles, les institutions qui les accompagnent (comme les entreprises, les établissements d’enseignement, les organismes communautaires) et les communautés qui les accueillent.

Enfin, le cadre réglementaire actuel en matière de résidence temporaire au Canada soulève d’importants défis de politiques publiques, tant au niveau provincial que fédéral. Alors que les autorités gouvernementales focalisent principalement leur attention sur les seuils d’admission d’immigration temporaire et permanente, la présente note met en lumière la nécessité d’ouvrir un chantier de réflexion approfondie sur les conditions d’admission et de séjour des personnes avec un statut temporaire. Les inégalités de droits parmi les résidents temporaires, l’effritement ou l’absence de perspectives d’établissement et de réunification familiale, ainsi que la très forte imprévisibilité réglementaire constituent des enjeux majeurs qui nécessitent une réponse politique structurée et harmonisée entre les différents paliers décisionnels.


1  Les personnes détentrices d’un visa de visiteur sont également considérées comme des résidents temporaires en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Toutefois, pour cette note, nous retenons la typologie des résidents non permanents de Statistique Canada qui inclut les titulaires de permis de travail et d’études ainsi que les personnes en demande d’asile et protégées (personnes dont la demande de protection est acceptée mais qui n’ont pas encore obtenu la résidence permanente).  À ces trois groupes s’ajoute aussi la catégorie « Autres » qui inclut les personnes détenant un permis de séjour temporaire spécial, telles que les victimes reconnues de traite des personnes ou de violence conjugale.


RÉFÉRENCES

Citoyenneté et Immigration Canada. (2010). Aperçu de l’immigration — Résidents permanents et temporaires, 2010, Gouvernement du Canada. https://publications.gc.ca/collections/collection_2011/cic/Ci1-8-2010-fra.pdf.

Statistique Canada. (2025). « Estimations du nombre de résidents non permanents par type, trimestrielles ». Tableau 17-10-0121-01. https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1710012101&request_locale=fr.

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