De la résidence temporaire à la résidence permanente : Tendances récentes dans la sélection en deux étapes des immigrants au Canada
L’approche du Canada en matière d’immigration économique a été fondamentalement transformée par l’expansion de la sélection en deux étapes : une grande proportion de résidents permanents provient maintenant des volets des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants internationaux. En 2023, presque la moitié des nouveaux résidents permanents sont passés par ce processus et les provinces jouent un rôle beaucoup plus important qu’auparavant dans la sélection en deux étapes.
Lors de la première décennie du 21e siècle, seul un nouvel immigrant sur cinq au Canada avait détenu un permis de travail ou un permis d’études avant d’obtenir la résidence permanente. La plupart des immigrants suivaient donc un processus de sélection « en une seule étape » et entraient directement au Canada avec une demande approuvée pour résider de façon permanente dans le pays.
Depuis, le système d’immigration du Canada a cependant connu une refonte majeure. À la fin des années 2010, plus du tiers de tous les nouveaux résidents permanents avaient suivi un processus de sélection en deux étapes — arrivant d’abord comme résidents temporaires avec un permis de travail ou d’études (ou une combinaison des deux), puis accédant à la résidence permanente par la suite. En 2023, près de la moitié de tous les nouveaux résidents permanents ont été admis par ce processus en deux étapes (voir graphique 1).
L’expansion de la sélection en deux étapes a été alimentée à la fois par l’augmentation du nombre de résidents temporaires et par la hausse de leur taux de transition vers la résidence permanente (Hou et al., 2020). Aujourd’hui, le bassin de résidents temporaires est beaucoup plus vaste qu’au tournant du siècle. Le nombre de titulaires d’un permis de travail au Canada (mesuré en fonction des permis de travail valides au 31 décembre de chaque année) est passé d’environ 67 000 en 20001 à 1 499 000 en 2024. Le nombre de titulaires d’un permis d’études est passé de 122 600 en 2000 à 1 037 200 en 2023, avant de diminuer légèrement à 996 400 en 2024.
En outre, les taux de transition vers la résidence permanente des résidents temporaires a augmenté tant pour les travailleurs étrangers temporaires que pour les étudiants internationaux. La proportion de titulaires d’un premier permis de travail ayant obtenu le statut de résident permanent dans les cinq années suivant l’obtention de ce permis est ainsi passée de 30 % en 2000-2004 à 46 % en 2015-2019 (voir graphique 2). Chez les titulaires d’un premier permis d’études, le taux de transition sur cinq ans a augmenté de 20 % en 2000-2004 à 34 % en 2015-2019.
Deux principaux facteurs peuvent expliquer cette hausse des taux de transition. Le premier est l’expansion du Programme des candidats des provinces (PCP) et l’instauration de la Catégorie de l’expérience canadienne (CEC). De nombreux volets du PCP sont axés sur les immigrants qui possèdent une expérience de travail ou d’études au Canada, tandis que la CEC a été spécialement conçue pour faciliter la transition vers la résidence permanente des travailleurs étrangers temporaires qualifiés.
Le second facteur tient à la part croissante de résidents permanents admis en vertu de programmes provinciaux plutôt que fédéraux, et dont la majorité possède une expérience de travail ou d’étude préalable au Canada (Hou et al., 2020). De 2010 à 2023, la proportion de tous les nouveaux résidents permanents admis en vertu du PCP a augmenté de 13 à 23 %, alors que la proportion des candidats des provinces qui étaient résidents temporaires est passée de 33 à 59 %.
Au cours de la même période, la proportion de nouveaux résidents permanents admis dans le cadre de la CEC est passée de 1 % à 9 %, presque tous ayant une expérience de travail préalable au Canada. Parallèlement, la proportion de nouveaux résidents permanents admis au titre du Programme des travailleurs qualifiés (fédéral) a diminué de 30 % (dont 13 % avaient un statut temporaire antérieur) à 8 % (dont 19 % avaient déjà détenu un statut temporaire).
Au niveau fédéral, la sélection en deux étapes s’est ainsi déplacée du Programme des travailleurs qualifiés vers la Catégorie de l’expérience canadienne, tandis que les voies provinciales sont devenues une source beaucoup plus importante de sélection en deux étapes qu’auparavant.Au début des années 2020, le processus en deux étapes était devenu la voie prédominante pour les demandeurs principaux dans la catégorie de l’immigration économique — le seul groupe d’immigrants dont les caractéristiques de capital humain sont explicitement évaluées en fonction de leur potentiel de réussite sur le marché du travail canadien (voir graphique 3). En 2023, les trois quarts de ces demandeurs principaux avaient déjà détenu un permis de travail ou d’études. Une proportion considérable (39 %) des conjoints ou personnes à charge dans la catégorie économique, ainsi qu’un grand nombre (21 %) d’immigrants de la catégorie du regroupement familial avaient également détenu un permis de travail ou d’études au préalable.
En résumé, l’expansion du processus de sélection des immigrants en deux étapes a fondamentalement modifié l’approche du Canada en matière d’immigration économique, une grande proportion de résidents permanents accédant maintenant à ce statut à partir des volets des travailleurs étrangers temporaires et des étudiants internationaux. La sélection en deux étapes permet aux employeurs et aux gouvernements d’évaluer la performance des candidats sur le marché du travail avant de leur accorder le statut de résident permanent, ce qui peut améliorer les résultats économiques (Crossman et al., 2020). Toutefois, cette approche peut aussi limiter les possibilités offertes aux candidats qualifiés qui n’ont pas les moyens d’entrer au Canada en tant que résidents temporaires.
Le Plan des niveaux d’immigration annoncé par le gouvernement fédéral en 2024 a fixé une cible visant à sélectionner 40 % des résidents permanents chaque année parmi les résidents temporaires pour la période 2025-2027. Cette cible est conforme aux tendances observées ces dernières années. Au fur et à mesure que le Canada se rapprochera de cette cible, le modèle de sélection en deux étapes restera un élément central du débat politique.
1 Ces chiffres concernent les permis de travail délivrés à des fins professionnelles. Certains permis de travail sont délivrés à d’autres fins, telles que les études, des raisons humanitaires et compassionnelles, ainsi que pour les demandeurs de résidence permanente. En 2023, 1 761 000 résidents étrangers détenaient un permis de travail à toutes fins, contre 1 253 000 résidents étrangers détenant un permis de travail à des fins professionnelles.
RÉFÉRENCES
Crossman, E., Hou, F., & Picot, G. (2020). Sélection en deux étapes des immigrants : examen des avantages et des défis potentiels (n° 11-626-X — 2020009 – n° 111). Statistique Canada : Aperçus économiques. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-626-x/11-626-x2020009-fra.htm
Hou, F., Crossman, E., & Picot, G. (2020). Sélection en deux étapes des immigrants : analyse de son expansion au Canada (n° 11-626-X — 2020009 –
n° 112). Statistique Canada : Aperçus économiques. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-626-x/11-626-x2020010-fra.htm



